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L’INVESTISSEUR EST SON MEILLEUR ENNEMI : COMMENT MAÎTRISER SES BIAIS COGNITIFS ?


POINTS CLÉS

  • Les épargnants ont des biais comportements qui influencent leurs pratiques d’épargne, mais souvent à leur détriment.
  • Les biais cognitifs sont très nombreux : trop grande confiance en soi, négation de l’aléatoire, biais d’attribution, etc.
  • Un des pires : ils investissent quand ça a monté, et les chances que cela continue à monter ont baissé. Et, bien sûr, ils vendent au pire moment aussi.
  • L’impact de cette mauvaise pratique est très significatif, surtout sur les marchés volatiles.
  • La solution est l’investissement programmé, et si possible automatisé.

Comme je l’explique dans mon livre « Épargnant 3.0 » et « Créer et piloter un portefeuille d’ETF »  et dans plusieurs articles sur ce blog, l’investisseur particulier peut faire fructifier son argent de manière très performante en appliquant les principes de la gestion passive. Cependant, la gestion passive ne se résume pas à l’investissement dans des ETF. La gestion passive a un volet « finance comportementale » très important. J’aurais même tendance à dire que c’est le plus important. En effet, l’épargnant est son propre ennemi.

La psychologie de l’investisseur le pousse à faire des erreurs majeures. Ces biais comportementaux ont été très bien documentés dans la littérature académique. À titre d’exemple, le livre de Daniel Kahneman, prix Nobel d’Economie en 2002, « Système 1 / Système 2 : Les deux vitesses de la pensée » est une référence sur le sujet. Aussi, Richard Thaler, s’est vu décerné le prix Nobel d’Economie en 2017, sur ce sujet de la finance comportementale.

Les biais cognitifs des investisseurs sont très nombreux

Parmi les biais comportementaux, on peut citer, de façon non exhaustive (l’article de Wikedia donne beaucoup d’autres exemples sur ce qui s’appelle aussi les biais cognitifs) :

Le conservatisme

Le conservatisme, c’est-à-dire la tendance à sous-pondérer l’importance de nouvelles preuves qui ne conforteraient pas notre vision. Nous avons souvent tendance à nous intéresser et à lire sur les sujets qui confortent notre propre ordre des choses.

Préférer les histoires à la rationalité

Une plus grande attention aux raisonnements simples, mais forts, qui attirent l’attention et s’appuient sur l’émotion. Une histoire bien racontée et qui touche le cœur a beaucoup plus de chance d’être acceptée qu’un raisonnement froid et académique.

Nier l’aléatoire

Une mauvaise compréhension des probabilités et une importance trop forte des stéréotypes. Nous cherchons des explications à des choses qui n’en ont pas. Nous cherchons à nier l’aléatoire.

Le biais de sur-confiance

Une confiance exagérée dans nous-mêmes (« overconfidence » en anglais). L’immense majorité des gens se sentent meilleurs conducteurs que la moyenne, la plupart d’entre nous se sentent meilleurs que ses collègues dans son travail, etc.

Le biais d’attribution

L’attribution de nos échecs à la malchance et de nos réussites à nos compétences.

« Je le savais »

Le « je le savais ». On a toujours l’impression que l’on savait qu’un évènement rare arriverait. La crise des technos ? Mais c’était évident que toutes ces entreprises étaient surévaluées …

Plus valoriser les pertes que les gains

Les épargnants accordent plus d’importance à une perte qu’à un gain de la même ampleur. Et lorsqu’ils sont possiblement en perte, ils sont prêts à prendre des risques absurdes.

L’aversion au regret

L’amour propre et l’aversion au regret qui nous fait communiquer que sur ces réussites et insister dans ses échecs. On cherche souvent à se refaire, que ce soit au Casino ou en bourse.

L’effet “ticket de loterie”

L’effet « ticket de loterie ». On préfère une probabilité faible de faire un gain énorme, que de fortes probabilités de faire un gain moyen … même en sachant que le gain pondéré est meilleur avec des petits coups.

Suivre trop facilement la foule

La difficulté à avoir son propre jugement et la tendance naturelle à faire comme la foule.

Le biais d’ancrage

L’ancrage, c’est-à-dire la référence à un chiffre de référence. On a acheté sa maison à tel prix, donc on ne peut ou veut pas vendre au-dessous …

etc.

Si vous êtes biaisé c’est que vous êtes normal

Si vous êtes un être humain, je pense que ces exemples vous parlent. Les biais comportements font certainement parti de votre lot quotidien. Si vous avez déjà investi de l’argent, je pense que vous voyez assez bien comment ces biais comportementaux influencent vos décisions d’investissement et ne vous emmènent pas souvent dans la bonne direction.

Un des pires biais cognitifs est d’acheter et de vendre au plus mauvais moment

Robert Schiller et l’exubérance de la foule

Je vais ici me concentrer sur un de ces biais, qui est le fait de s’appuyer sur des événements récents plutôt que des tendances longues et des théories bien étayées. On l’appelle parfois en anglais le « recency bias ». Cela pousse les épargnants, dans leur ensemble, à investir au plus mauvais moment. Ils investissent quand ça a monté, et les chances que cela continue à monter ont baissé. Et, bien sûr, ils vendent au pire moment aussi.

Robert Schiller, prix Nobel d’Économie en 2013, a très bien documenté ce sujet et notamment ce qu’il appelle le « herding », c’est-à-dire les effets de foule. Dans son livre « Irrational Exbuberance », il compare la performance de la bourse et l’avis de la population sur l’intérêt d’investir en bourse.

Sentiment sur les actions

On voit bien que les gens pensent que la bourse est le meilleur investissement qui soit lorsque la bourse a monté et est au pic … et vice-versa. L’effet n’existe pas que sur la bourse. Il est le même sur l’immobilier. On est confient dans l’immobilier quand il a monté.

La visualisation empirique

Ce biais comportemental se retrouve empiriquement dans les flux des fonds. On voit clairement dans le graphique ci-dessous que les épargnants investissent quand la bourse a déjà monté. Ce graphique présente (source : Investment Comany Institute) en histogramme bleu les flux nets vers les fonds et avec la courbe orange la performance des bourses mondiales. On peut observer, par exemple, qu’entre 2008 et 2010, les bourses ont chuté et les épargnants ont retiré leur argent. C’est dommage, car depuis la baisse a été plus que largement compensée.

Flux fonds

Les biais comportementaux impactent manière très importante la performance des investissements

Ce mauvais comportement se traduit assez directement dans la performance des investissements des épargnants.

L’étude de Ilia D. Dichev

Ilia D. Dichev, professeur à l’Université du Michigan, a fait ce type d’analyse en 2004. Il a comparé un investissement « Buy and Hold », c’est-à-dire que l’on garde sur toute une période et la performance réelle des investisseurs, qui font des aller et retour. Ces aller et retour se faisant, comme on vient de le voir, sur la base des performances passées. Le Buy and Hold gagne à tous les coups. Et chose intéressante, il a comparé les pays. La différence est particulièrement importante en Italie puis en France et au Japon, avec du -3% annuel (les États-Unis et le Royaume-Uni sont autour de 1%).

L’étude “Mind the Gap” de Morningstar

Morningstar s’est aussi lancé dans ce genre d’étude. Ils publient en particulier « Mind the Gap » sur une base annuelle. C’est une référence sur le sujet des biais comportemantaux. On y apprend, par exemple, que sur 10 ans les investisseurs sur les fonds américains investissant aux États-Unis perdent 1% à 2% par an en tentant de « timer » le marché. Ils ont par ailleurs démontré que plus une classe d’actifs ou un fonds était volatile et plus l’investisseur perdait face au « buy and hold ». Dans son étude de 2005, on voit que sur 10 ans les fonds en technologie avaient fait 7,68% par an tandis que les investisseurs qui avaient investi dans ces fonds avaient fait -5,67%. C’est effectivement une différence supérieure à 13% par an.

Par ailleurs, Morningstar a démontré que les investisseurs investissant dans les fonds avec le moins de frais subissaient moins les affres du market timing (différence de 0,8% pour le quartile le moins cher et 1,8% pour le quartile le plus cher).

Investissement passif rime avec investissement programmé, connaissance de soi, de l’histoire de l’investissement et de ses fondamentaux

L’investissement passif demande une grande force de caractère

Chercher à faire mieux que le marché en rentrant et sortant du marché est une tendance naturelle qu’il faut combattre. S’appuyer sur des historiques de performance et des backtests pour parler finance aussi. Une bonne méthode pour tenter de s’en affranchir est l’investissement programmé. On investit tous les mois (ou tous les trimestres) sans se poser de questions. C’est le principe de la gestion passive.

On peut le coupler à un rééquilibrage de son portefeuille, pour respecter son allocation stratégique. Cela permet d’une part de maintenir une allocation du risque cohérente et d’autre part d’être (légèrement) contrariant. On vend ce qui a (trop) monté et on achète ce qui a (trop) baissé.

Cela demande une force de caractère évidente. Et croire que l’on n’est pas sujet à la tentation de faire du market timing ou penser que son propre market timing est efficace, contrairement au market timing moyen des investisseurs, est, pour moi, clairement faire preuve d’overconfidence.

Les possibilités pour maîtriser ses biais comportementaux

Automatiser

Pour être moins sujet à ces biais comportementaux, il faut, à mon sens réduire le nombre de décisions à prendre et le nombre d’actes à faire. Cela veut dire, par exemple, faire des virements/prélèvements automatiques, si possible avoir une assurance vie qui font du rééquilibrage automatique, etc. L’aspect automatisé est un véritable atout pour l’épargnant qui veut s’affranchir de ses travers.

Les robo advisors

Les fintech et en particulier les robo advisors peuvent aider à faire cela (j’ai écrit un article sur les robo advisor sur ce blog). Et je pense qu’une de leur marque de fabrique doit être la finance comportementale.

Les conseillers financiers

Cependant, le conseiller financier a aussi toute sa place. Le conseil humain est complémentaire du conseil automatique. Aux États-Unis, les deux vivent ensemble. Le conseil humain doit aussi aider l’épargnant à vaincre ses pulsions, notamment acheter et vendre au plus mauvais moment. Il doit faire preuve d’une très bonne psychologie, mais aussi une excellente connaissance des marchés, de son histoire et des théories (au sens noble du terme) de l’investissement.

Faire de l’investissement seul est tout à fait possible, cela permet d’économiser des frais de conseil et on a le plaisir de se prendre en main. Cependant, il faut une très grande force de caractère pour maintenir coûte que coûte son plan. Et je crois que tant que l’on n’a pas expérimenté un krach boursier, on ne s’en pas vraiment compte.

D’ailleurs, certaines études ont montré que les épargnants accompagnés pouvaient avoir une performance supérieure aux épargnants non accompagnés. La valeur ajoutée apportée dépasse alors les frais. Mais il faut qu’ils soient bien accompagnés, que ce soit par un robot ou par un humain.

La formation pour éviter les erreurs

J’ai construit une formation en investissement où je partage les bonnes pratiques d’investissements, et où je vous donne des bonnes pratiques pour limiter les erreurs en maîtrisant vos biais cognitifs.

Sur ce, je vous souhaite le meilleur pour votre épargne … et surtout pour tout le reste.

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7 commentaires

  1. Stefitch dit :

    Bonjour, pour être honnête, je ne pensais pas qu’il serait si difficile de voir son portefeuille perdre de l’argent. Depuis le 2 février 2018, perte de 4000 euros soit 6% environs. Ca fait tres mal. Et l’envie ne manque pas de tout vendre! Mais je résiste et j’en profite pour réinjecter un peu tout en gardant la stratégie de départ en suivant vos recommendations.
    Merci encore pour votre excellent site et livres.

    1. Bonjour,
      Oui ce n’est pas facile, mais si vous êtes sous stress avec cette petite secousse, c’est que votre allocation en actions est trop élevée.
      Pour vous donner un ordre d’idée, j’ai 75% de mon patrimoine en actions et j’ai perdu bien plus que vous ; franchement, j’ai très bien dormi …
      On verra quand je perdrai 50%, et comme tout le monde cela m’arrivera …

      Il faut vraiment bosser sur sa psychologie. Mais ce n’est pas facile.

      Cordialement
      Edouard

  2. Bonjour Edouard,

    Je n’ai que 170 e/ mois à investir par mois sur la partie actions.
    Sacha qu’avec mon courtier, mes frais d’ordre sont de 1,99 e jusqu’ a 500 euros, me conseillez vous :
    – d’investir 1 fois par trimestre pour réduire mes frais
    – d’investir tous les mois pour etre plus recurrente et pouvoir profiter des periodes plus favorables pour entrer sur les marchés
    ?
    Merci par avance de vos conseils.
    Julia

    1. Edouard Petit dit :

      Bonjour Julia,

      Investir tous les mois ou tous les trimestres ne change rien si vous investissez régulièrement.
      Vous pouvez avoir plus d’information dans cet article du blog.

      1. Bonjour Edouard,
        Merci pour ce lien.
        Donc si cela n’a finalement pas d’incidence, me conseillez vous de n’investir que tous les trimestres pour optimiser mes frais d’ordre ?
        Merci.
        Crdt
        Julia

        1. Edouard Petit dit :

          Oui c’est tout à fait une possibilité, mais ca complique un peu la gestion de son budget. Vous pouvez faire un virement mensuel sur le PEA et n’acheter que tous les trimestres.

  3. Jean-Marc dit :

    Salut,
    Merci pour cette stratégie d’investissement. J’ai un peu honte de l’avouer, mais je fais partie des personnes qui investissent sans réfléchir aux conséquences.
    A+