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OPTIMISER SON ÉPARGNE EN UTILISANT DES FACTEURS SMART BETA PEU CORRÉLÉS


POINTS CLÉS

  • Les facteurs faible volatilité et qualité sont souvent utilisés par les ETFs, mais semblent moins robustes que le small value et le momentum.
  • Mixer les facteurs permet de réduire la durée de sous-performance par rapport à un indice classique pondéré par rapport à la capitalisation boursière.

De manière générale, on peut dire qu’il y a une relation très forte entre la performance d’un investissement et son risque. Plus un investissement est performant, plus il a de chance d’être risqué. Il y a bien sûr comme toujours des exceptions. Un investissement très chargé en frais (d’entrée et /ou annuel) a de forte de chance d’être à la fois peu performant et risqué. Mais plus intéressant pour notre article de ce jour, un investissement bien diversifié  aura certainement moins de risque pour la même performance qu’un investissement mal diversifié. Dans le milieu financier anglo-saxon, on rappelle souvent que la diversification est le seul « free lunch ».

Justement, les différents facteurs smart beta on justement une certaine tendance à ne pas être corrélés entre eux.

Les facteurs smart beta les plus utilisés par les ETF sont : small, value, faible volatilité, qualité et momentum

Les facteurs taille, valeur et momentum

Dans l’article « Smart beta : les facteurs small value mometum sont les plus robustes » , j’ai précisé qu’à mon sens les facteurs les plus puissants étaient le « small value » et le « momentum ». Mais une petite précision sur le facteur small : si vous investissez à moins de 15% sur le facteur small, vous êtes moins investi que le marché. En effet, la plupart des ETF sont « large et mid cap ».

Mais parlons un peu des autres facteurs les plus courants.

Le facteur volatilité

On s’est aperçu que les actions à faible volatilité avaient une performance sur le long terme meilleure que celles à forte volatilité. C’est étonnant, car la volatilité est un indicateur de risque (même si ce n’est pas mon préféré). Normalement, les actions les plus volatiles et donc les plus risquées devraient rapporter plus. Mais justement les investisseurs sont très investis dans les actions volatiles, car ils espèrent qu’elles rapportent beaucoup… et à force que tout le monde en veuille … elles ne rapportent plus rien. Par ailleurs, prendre des actions à volatilité élevée est un des seuls moyens d’aller chercher plus de performance quand on est déjà complètement investi en actions et qu’on se refuse ou que l’on a pas le droit d’utiliser le levier (emprunter pour investir). Tout cela fait naturellement débat. D’autant plus, que certains chercheurs ont monté que les actions peu volatiles avaient bien performées parce qu’elles étaient peu chères (personne n’en voulait). C’est donc une sorte de proxy sur le facteur value. Or aujourd’hui, tout le monde veut des actions peu volatiles et elles sont plus chères que le reste du marché.

Le facteur qualité

On s’est aussi aperçu que les actions de qualité performent ont mieux performé que les actions de faible qualité. C’est étonnant, car une action de qualité doit être hautement désirable et peu risquée, donc au final rapporter moins qu’une action de moindre qualité. D’ailleurs, il y a quelques années on opposait qualité et value. Mais force est de constater que la science avance, et Eugène Fama et Kenneth French ont inclus ce critère dans leur nouveau modèle (avec le critère investissement). Leur explication pour tenter de lier la qualité au risque est honnêtement assez complexe. En revanche, on peut trouver des explications un peu similaires au facteur « faible volatilité ». Beaucoup d’investisseurs préfèrent les actions avec une faible chance de gain, mais énormes (l’effet casino), aux « actions bon père de famille ».

L’ensemble des facteurs ont de longs moments de sous performance

Evidemment, même si un facteur sur-performe sur le long terme, il ne le fait pas de manière systématique. Il peut même avoir de longues périodes de sous performance, parfois même largement supérieures à 10 ans.

MSCI s’est penché sur le sujet et voilà le résultat. Ce tableau présente la fréquence où le facteur a fait mieux que l’indice classique, sur diverses périodes de temps, entre 1975 et 2014.

smartbetta_frequence

À titre d’exemple, le facteur quality fait moins bien que le world classique dans un quart des cas sur 10 ans. Le facteur « faible volatilité » fait moins bien dans un tiers des cas sur 10 ans. En revanche, le value et le momentum font mieux que le world classique dans pratiquement tous les cas sur 10 ans.

Cette sous-performance sur de longues périodes est un risque important. C’est le risque de regretter d’avoir investi dans cette stratégie. Le risque de l’abandonner alors qu’elle sous-performe et qu’elle a donc le plus de chance de surperformer à l’avenir.

L’investissement en smart beta est un investissement d’encore plus long terme qu’en indice actions classiques. Il faut maintenir le cap, et nous sommes notre propre ennemi.

Mixer les facteurs pour faire baisser le risque

Mais les investisseurs en étudiant les facteurs se sont aussi aperçus qu’ils marchaient bien à des moments très différents. Un des pionniers dans le domaine a été le gestionnaire de fonds AQR. On peut, par exemple, lire dans leur papier de 2012 « Value and Momentum Everywhere »

We find consistent and ubiquitous evidence of value and momentum return premia across all the markets we study. We also highlight that studying value and momentum jointly is more powerful than examining each in isolation. The negative correlation between value and momentum strategies and their high positive expected returns implies that a simple combination of the two is much closer to the efficient frontier than either strategy alone, and exhibits less variation across markets and over time.

Dans le graphique ci-dessous, j’ai présenté la surperformance sur 3 ans roulants (annualisée) des deux facteurs qui me semblent le plus intéressant, le small-value et le momentum (par rapport au « World »).

smartbeta_surperf

On voit très clairement que les 2 facteurs ne surperforment pas au même moment. Pour information, sur cette période le world momentum a fait 10,2% par an, le small value 8,7% et le world classique 7%.

La corrélation des facteurs smart beta

MSCI a calculé la corrélation entre différents facteurs (il s’agit de la corrélation entre les surperformances).

smartbeta_correl

On voit par exemple, que la value et le momentum ont une corrélation négative, le Graal !

Les indices multi factoriels

Il en résulte que MSCI a choisi de construire un indice mixant les facteurs size, value, momentum et quality. Ils mixent selon un algorithme spécifique visant notamment à avoir un risque équivalent au risque de marché. MSCI a calculé le résultat entre fin 1998 et fin 2014. La colonne DMF (Diversified Multi Factor) est l’indice multifactoriel :

smartbeta_correl_msci

Le résultat est assez impressionnant. L’indice a une surperformance très significative par rapport au MSCI World, tout en déviant assez peu du World (le tracking error), en ayant une surperformance peu variable (l’information ratio), en ayant une perte maximale de de la surperformance de 4,3% (au pire vous auriez de 4,3%), et vous auriez sous-performé pendant maximum 1,5 ans.

Mais vous savez que les backtests ne sont qu’une pièce du puzzle. Il faut que les backtests soient étayés par des théories robustes. Mais les chercheurs sont en piste … Et il y des explications qui semblent tenir la route.

Il n’est pas certain que ces facteurs continuent à être décorrélés. C’est cependant, à mon sens, une piste intéressante.

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2 commentaires

  1. Intéressant, en effet. Mais ces conclusions me semblent très proches de ce que fait déjà l’Edhec, avec ses articles sur le smart beta. Le mix des différents styles qui fonctionnent à des périodes différentes fait que le risque de sous performance est considérablement réduit en terme de durée, et ça, effectivement, c’est sympa pour la psychologie de l’investisseur.
    Par contre, il me semble que l’on ne fait que des back tests sur l’univers “world”, c’est-à-dire sans les émergents. Je serai curieux de voir ce qui se passe en appliquant cette méthode en world mais plus global, en incluant les emerging. Connaissez-vous des études sur le sujet? En tout cas, merci pour cette synthèse.

    1. Edouard Petit dit :

      Bien, je n’ai rien inventé. Le principe d’épargnant 3.0 est de mettre à la portée du plus grand nombre le meilleure de la recherche scientifique en Finance, des stratégies valides qui prennent peu de temps.

      Les données sur les émérgents sont nettement plus courtes que celles des pays développés. Et même les données sur l’Europe remontent à beaucoup moins loin que celles des Etats-Unis. Il y a surement des études mais les backs tests auraient assez peu de validité. Cela étant il n’y a pas de raison fondamentale pour que cela ne fonctionne pas de la même manière. J’ai justement choisit des facteurs qui fonctionnaient partout.
      Par ailleurs, il y a encore assez peu d’ETF Smart Beta sur les pays émergents. J’ai personnellement du low volat et du small value, mais honnêtement ce sont des ETF finalement assez exotiques pour un investisseur français classique.