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CE QUI A MONTÉ SOUS-PERFORMERA : LE PHÉNOMÈNE DE RETOUR A LA MOYENNE


POINTS CLÉS

  • L’effet retour à la moyenne est un phénomène classique de la finance impactant tous les types d’actif : ce qui a monté le plus baissera le plus.
  • Cet effet est le plus fort à 3-7 ans. Mais il est inverse sur le court terme, c’est ce que l’on appelle l’effet momentum.
  • L’épargnant peut tirer parti de ces phénomènes en investissant dans des trackers smart beta et en rééquilibrant régulièrement son portefeuille.

Ce qui a le plus augmenté sera probablement ce qui baissera le plus

L’effet « retour à la moyenne » est un des phénomènes de l’investissement le plus important à comprendre : ce qui a le plus monté est ce qui baissera le plus et vice versa. Pourtant, dans l’article « L’investisseur est son meilleur ennemi, il investit à contre temps », j’ai montré que de nombreux investisseurs investissaient justement dans ce qui avait déjà monté ! Ils s’appuient sur les performances passées, et en particulier sur les « backtest ». Un très mauvais choix. Je parle des backtests dans cet article « Quelle performance pour la stratégie Epargnant 3.0 sur les 40 dernières années ? ».

Pour être plus précis, ce qui a monté sur les 3 à 7 dernières années a de fortes chances de baisser. Et ce qui a le plus augmenté sur 6 mois à 1 an, a la plus forte chance d’augmenter. C’est ce que l’on appelle l’effet momentum.

Cet effet a été très documenté et il concerne pratiquement tous les types d’investissement, toutes les classes d’actifs et même les actions individuellement.

Quelques exemples de retour à la moyenne … et de momentum

Plutôt que de rentrer dans le détail de la littérature scientifique, regardons quelques exemples qui me semblent marquants.

En premier lieu, j’ai comparé la performance de la bourse américaine, française et du Royaume-Uni tous les 5 ans depuis 1970 (en $, dividendes inclus). Vous voyez les classements respectifs dans le graphique ci-dessous :

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On voit que la place de la France et des États-Unis s’inversent presque parfaitement tous les 5 ans. Et au final la performance de la bourse française est de 9,7% pour un peu moins de 10% pour la bourse américaine, soit pas si loin.

Deuxièmement, j’ai classé la performance  sur 5 ans des différents secteurs de la bourse américaine depuis 1930. Vous voyez, dans le graphique ci-dessous la place du secteur « bien de consommation » parmi les 6 secteurs comptés dans l’analyse. On passe très vite d’une très bonne place à une moins bonne place.

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Enfin, j’ai étudié l’effet retour à la moyenne de la bourse américaine dans son ensemble, net d’inflation depuis la fin du 19e siècle. J’ai calculé la performance sur 1, 3 5 et 10 ans des actions et référencé ce qu’elles faisaient l’année d’après. Les résultats sont les suivants. Il faut les comparer à la moyenne sur la période de 5,9% par an.

  • Hausse moyenne de la bourse suite à une baisse de la bourse sur 10 ans : 7,6%
  • Hausse moyenne de la bourse suite à une baisse de la bourse sur 5 ans : 9,6%
  • Hausse moyenne de la bourse suite à une baisse de la bourse sur 3 ans : 7,7%
  • Hausse moyenne de la bourse suite à une baisse de la bourse sur 1 an : 4,6%

On voit que l’effet retour à la moyenne fonctionne sur 3,5 et 10 ans mais est particulièrement fort sur 5 ans. Ainsi, l’année qui a suivi une baisse de la bourse pendant 5 ans a eu une performance moyenne de 9,6% inflation déduite, soit largement plus que la moyenne de l’ensemble des années.

En revanche, sur 1 an c’est exactement le contraire qui se passe (c’est l’effet momentum, ce qui a baissé sur 1 an continuera à baisser).

La littérature académique s’est emparée du sujet

Les scientifiques et les praticiens se sont bien sûr emparés de ce phénomène et l’ont très bien documenté. Il y a tout de même des débats sur cet effet retour à la moyenne et surtout s’il est vraiment prédictif. En effet, si cet effet était si fort il suffirait d’acheter tout ce qui a baissé depuis 5 ans. Mais ce n’est pas si simple.

Je vais tout de même citer ici les travaux de Robert Shiller, prix Nobel de Finance en 2013. Il a montré que les marchés reviennent toujours à une constante, même si ils ont des bas et des hauts assez phénoménaux entre temps. Pour cela, il a inventé le ratio CAPE (Cyclically Adjusted Price to Earnings). Il s’agit un ratio très proche du PER (Price Earnings Ratio), soit le prix des actions divisé par les bénéfices. Il prend juste comme dénominateur le bénéfice moyen depuis 10 ans, et non le bénéfice de l’année en cours.

Le graphique ci-dessous, issu de son livre « Irrational Exuberance », montre clairement que plus le ratio est haut moins il y a de chances d’avoir une bonne performance dans les 10 années suivantes.

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Encore une fois, il y a des discussions sans fin à ce sujet, et notamment sur la façon de calculer ce ratio. Mais ce sont, ici, les concepts généraux qui nous intéressent.

Eugène Fama, autre prix Nobel, s’intéresse aussi à la question. Grâce aux données disponibles sur son site web, on peut comparer, notamment, des portefeuilles d’actions ayant très bien performé sur les 5 dernières années (moins la dernière année) et ceux ayant le moins bien performé sur cette même période. Le graphique ci-dessous présente les résultats par décile depuis 1930 (le graphique est présenté en échelle logarithmique).


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Les actions avec les plus belles performances sur 5 ans ont eu une performance de 8,6% par an, tandis que celles ayant mal performé ont eu une performance de 13,9% par an (chiffres bruts d’inflation).

Comment l’épargnant 3.0 peut profiter de ces phénomènes ?

Ce principe est tout à fait facile à comprendre : un actif est délaissé par effet de mode, par effet moutonnier tout le monde le délaisse, puis son rendement devient vraiment attractif vu sa baisse de prix, alors il redevient progressivement dans la ligne de mire des investisseurs, et l’emballement devient important, jusqu’à temps que sa valeur explose et qu’il devienne trop cher, alors le marché fini par s’en apercevoir et il finit par baisser …

L’Épargnant 3.0 peut tirer plusieurs enseignements de ces effets.

En premier lieu, lorsqu’il analyse un investissement, il ne doit pas de focaliser sur les performances passées à 3 ou 10 ans, et même parfois plus. Nous sommes naturellement attirés par ce qui a le mieux réussi sur les précédentes années, mais il faut tout faire pour se débarrasser de ce biais psychologique.

Deuxièmement, l’Épargnant 3.0 aura intérêt à rééquilibrer son portefeuille. Si vous gardez une allocation stratégique, vous allez vendre ce qui a le plus monté et acheter ce qui a baissé. C’est exactement ce qu’il faut faire, même si ce n’est pas naturel. Mais ne faites pas ce rééquilibrage trop souvent, car sinon vous n’allez pas profiter de l’effet momentum. Par ailleurs, rééquilibrer vous permettra de garder un risque comparable et, par exemple, ne pas vous retrouver complètement surexposé aux actions, car elles ont nettement augmenté.

 

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4 commentaires

    1. Edouard Petit dit :

      Vous avez raison, c’est un document tout à fait intéressant.

      J’ai prévu de faire un article sur le CAPE car il y a beaucoup de choses à dire ; et notammant nombreux sont ceux qui pensent qu’il est mal calculé. Mais d’autres pensent que c’est une critique utilisée pour justifier des marchés trop hauts…

      1. J’ai hâte de lire cet article sur le CAPE.
        Keep up the good work !

        1. Edouard Petit dit :

          Merci Black, n’hésitez pas à en parler autour de vous.