QU’Y A-T-IL DANS LES FONDS EN EUROS ?
POINTS CLÉS
- Les fonds en Euros classiques sont composés à plus de 80% en obligations
- Les fonds en Euros vont chercher de la performance en diminuant leurs prêts aux États, et en augmentant leurs prêts aux entreprises, notamment financières
- La performance vient aussi de leurs obligations en stock, qui servent un meilleur rendement que les taux actuels
Les fonds en Euros ont été jusqu’à maintenant des produits assez hors du commun, car ils ont eu un rendement plus que correct tout en étant protégés contre la baisse. On trouve encore aujourd’hui des fonds en Euros qui rapportent plus de 3% par an, alors que l’inflation est quasiment nulle et que les obligations d’État ne rapportent elles plus rien. Mais les fonds en Euros sont-ils réellement constitués d’obligations d’État, comme on entend souvent le dire ?
Prenons quelques exemples, parmi les meilleures assurances vie sur Internet. Il est possible de trouver les rapports de gestion des fonds en Euros (par exemple, chez les bons courtiers), même si ils ne sont pas toujours très à jour.
Les fonds en Euros classiques sont composés en majorité d’obligations, mais pas seulement liées à l’État français
L’exemple d’Eurossima de Generali
Commençons par Eurossima, de e-cie vie Generali, disponible chez de nombreux courtiers internet, dont Boursorama et Linxea. Il a rapporté 2,75% en 2015 et pèse tout de même 6,6 Milliards d’Euros. Il est investi à 85% en obligations, 6% en actions et 3% en immobilier. Concentrons-nous sur les obligations, car il s’agit de la part la plus importante. Un peu plus de la moitié de ces obligations sont des obligations d’État. Vous avez en premier lieu la France avec 25%, puis beaucoup de pays d’Europe, un peu d’États-Unis et quelques autres. Le reste des obligations sont des obligations dites « corporate » soit des prêts à des entreprises, historiquement plus risquées par rapport aux prêts aux États. Mais le fonds choisit des entreprises plutôt solides (comme les autres fonds en Euros) et prête en moyenne à 7 ans.
Pour augmenter la performance on investi en obligations longue et aux entreprises
Pour rappel, il y a deux moyens d’augmenter le rendement d’une obligation :
- Choisir des entreprises de moins bonne qualité (ou des entreprises plutôt que des Etats, ou des Etats de « moins bonne qualité »), cela rémunère le risque que l’emprunteur fasse faillite et ne rembourse pas.
- Choisir d’allonger la durée du prêt, ici le risque est notamment que l’inflation augmente et que le prêt ne soit plus vraiment rentable (il y a aussi plus de chance de faillite sur une longue période).
L’exemple de Suravenir
Prenons désormais un autre poids lourd distribué sur Internet, le fonds en Euros de Suravenir. Il est distribué sur Internet (Fortuneo, Linxea etc.) et dans des banques classiques. Il s’agit exactement du même fonds, mais Suravenir a décidé de servir une meilleure performance sur les banques on-line que dans le réseau de banques classiques (en l’occurrence Crédit Mutuel Arkea). Son actif est de 25 milliards d’Euros, et si vous l’avez souscrit sur Internet, il a servi 2,9% en 2015.
Les fonds en Euros prêtent aux institutions financières
Ce fonds est composé à 82% d’obligations, 8% d’actions et 6% d’immobilier. Là aussi, les obligations prennent la plus grande part du portefeuille. Parmi ces obligations, 57% sont des obligations d’État, avec cette fois-ci 61% sur l’État français. Mais le reporting de juin 2016, nous apprends quelque chose de plus par rapport au reporting d’e-cie vie, plus de 70% des prêts « corporate » sont faits à des entreprises financières. Et c’est certainement le cas pour un certain nombre de fonds en Euros.
Les inconvénients des prêts aux institutions financières
C’est même un problème à plusieurs titres :
- Les entreprises financières sont plutôt risquées surtout lors des graves crises.
- Cela crée assez probablement des conflits d’intérêts, car les fonds en Euros prêtent probablement à leur maison mère. Il n’est pas sûr que ce soit le meilleur deal du siècle pour l’épargnant.
Outre ces conflits d’intérêts, je ne sais pas si on peut reprocher aux compagnies d’assurances d’investir leurs fonds dans des obligations financières plus rémunératrices, car les épargnants cherchent du rendement. Au moins Suravenir a, ici, le mérite de la transparence.
L’exemple de Spirica
Passons désormais à une autre assurance vie, dont nous reparlerons. A mon sens, elle est probablement devenue une des toutes meilleures pour l’Épargnant 3.0 … depuis cet été. Il s’agit de Spirica, notamment distribué par Linxea et Mes-Placements. L’encours est ici plus petit avec 2 Mds d’Euros et la performance a été de 2,55% en 2015 (le rendement moyen des fonds en Euros a été inférieur a été de 2,3% en 2015).
Ici la partie obligataire ne représente que 66% (et l’immobilier 7%). Il n’est composé qu’à 14% d’obligations d’Etat, et 30% du portefeuille obligataire est composé d’obligations faites à des entreprises financières. Le profil de risque des obligations est équivalent aux précédents fonds en Euros, en effet dans chacun des cas 70 à 75% de portefeuille est investi dans des obligations avec des émetteurs de niveau A (au sens plus de BBB+).
Ce fonds Euros a 19% de ce qu’ils appellent des actifs de diversification, ce qui est plutôt original. Il s’agit un peu d’un fourre-tout, avec des obligations convertibles ou des fonds dits flexibles, mélangeant actions et obligations. Enfin, il y a 8% de monétaire, soit de liquidité, ce qui est assez élevé. Ce n’est pas une bonne nouvelle, car l’épargnant paye des frais sur quelque chose qui ne rapporte rien. La performance de ces 8% est donc de -0,7%.
L’exemple de Swiss Life Darjeeling
Dernier exemple, celui de Swiss Life Darjeeling, notamment distribué par Placement Direct. La particularité de ce fonds en Euros est de servir un taux différent en fonction de votre pourcentage d’UC et du montant de votre capital investi, la rémunération va donc de 2,4% à 3,3%.
Ici classiquement, il y a 82% d’obligations, et 10% d’immobilier, ce qui là est au-dessus de la moyenne (qui est de 5 à 6%). La partie obligataire n’est composée qu’à 40% d’obligations d’États. Ils indiquent pour les prêts aux entreprises principalement investir dans les leaders européens de qualité et dans les échéances longues (10 à 20 ans).
Les fonds en Euros gardent un rendement attractif grâce à leurs stocks d’anciennes obligations
Mais comment font ces fonds pour servir 2,5% à 3% de rendement alors qu’ils sont composés en général à 80% d’obligations ?
Premièrement, comme nous l’avons vu, ils diversifient en prenant plus d’obligations d’entreprises, et en prêtant à plus long terme. Ils investissent aussi un peu plus dans l’immobilier.
La performance des fonds en euros vient du stock d’obligations en réserve
Mais cela n’est pas suffisant. En fait, le rendement vient du stock d’obligations, qui historiquement avaient un plus fort rendement. Par exemple, vous savez que l’État français empruntait aujourd’hui à un taux quasiment nul, soit 0,5% à 10 ans. Mais il y a seulement quelques années, en 2008, il empruntait à 10 ans entre 4 et 5%. Les fonds avaient à l’époque acheté ces obligations, et en ont encore. Par exemple, une des premières lignes du fonds en Euros de Suravenir est une obligation française de 1999 à échéance 2029 qui verse un rendement de 5,5%.
Par ailleurs, ces obligations qui servent un excellent rendement sont très recherchées, leur court a donc augmenté. L’assureur a donc fait des bénéfices en revendant ces obligations, et a des plus-values latentes s’il n’a pas vendu ces obligations.
Conclusion pour l’Investisseur 3.0
Les fonds en Euros se ressemblent assez largement, même s’il peut y avoir des différences. À mon sens, il est assez difficile de vraiment départager la qualité du portefeuille des différents fonds en Euros sur la base des informations que les assureurs fournissent dans leur rapport de gestion. On en est réduit à faire confiance aux assureurs, et à comme d’habitude faire attention aux frais, car ils peuvent être assez différents en fonction des fonds.
Les fonds en Euros distribués sur Internet ont historiquement eu une performance supérieure au reste du marché tout en n’ayant pas de frais d’entrée (certaines mutuelles ont d’excellents taux aussi, mais des frais d’entrée). Notamment, car la concurrence y est plus rude. Je ne vois pas de raisons objectives pour que cela change. Une méthode est d’ouvrir plusieurs bonnes assurances vie aujourd’hui, en espérant qu’au moins une reste bonne sur le long terme.
Mais comme nous l’avons vu, les assureurs, pour servir des taux intéressants prennent plus de risque. Ces risques pourraient se matérialiser. Mais c’est un sujet complexe qui demande au moins un article dédié. J’y reviendrai donc.
Enfin, de nouveaux fonds en Euros sont apparus, les fonds en Euros dits dynamiques et les immobiliers. Ce sont aussi des options intéressantes, avec de plus fortes performantes, mais probablement aussi avec plus de risques. Nous ferons aussi un focus sur ces fonds.
Bonjour,
je me demande si la volatilité et la décorellation des obligations vs les actions ne serait pas au fond plus “utile” dans un portefeuille que la stabilité des fonds euros?
En parlant de décorellation des obligations,je ne suis d’ailleurs pas persuadé de l’utilité des corporate bonds qui me semblent plutot bien correlées aux actions,avec moins de volatilité,certes,mais également de plus faibles performances de long terme.
Le soucis je trouve avec les obligations,c’est que plus on va chercher la performance dans cette classe d’actifs (High Yield,Emerging…) plus on va avoir de volatilité(normal…) et surtout plus on va avoir de corrélation avec la classe actions.
Bonjour,
Historiquement les obligations ont été assez souvent anti correllées aux actions, mais cela n’a pas toujours été le cas.
Je ne suis pas fan du corporate et high yield, car oui c’est beaucoup plus corrélé aux actions
Ah, en prêt immobilier en effet. Je regardais le prêt personnel (placé sur un fonds euros en assurance vie).
Si l’État est prêt à me prêter à 0.5% sur 10 ans, donnez moi le numéro de tel de l’agence france trésor s’il vous plaît !
Sérieusement, s/prête/emprunte/
Sven,
Quelle lecture attentive, c’est corrigé. Il fallait évidemment lire “emprunte” et non prête.
Si je devais chercher une fausse excuse : les banques centrales prêtent aux banque, qui prêtent aux particuliers à des taux canons (en tout cas pour de l’immobilier). Pour la petite histoire, Boursorama me propose un prêt à 0,81% hors assurance sur 10 ans … On est pas loin des 0,5% ! Assez fou.
Dans quelles circonstances est-ce que ce prêt est proposé ? J’ai souscrit au prêt conso à 0.95% sur 4 ans, ce qui est déjà pas mal, mais je n’ai pas entendu parler des conditions que vous décrivez.
Je viens de faire une simulation dans mon espace client. Je ne sais pas à quel point il y a une différence entre la simulation et la réalité.
Bonjour,
Merci pour votre réponse .
Bonne idée pour opter pour une période un tout petit peu plus longue .
Comment faire pour vérifier la liquidité ou pour choisir parmi IBCQ ou CRPH.
Vous avez raison les frais ne sont pas les mêmes mais à 20 euros près, je souhaite aussi regarder d’autres facteurs comme la volatilité ou autre.
Auriez vous des suggestions pour un équivalent sur Euronext s’il vous plaît ?
Merci beaucoup
La liquidité n’est pas si simple à trouver, vous l’avez chez les brokers et morningstar, mais c’est souvent sur la dernière journée.
Elle est disponible historique sur le site d’Euronext, mais il faut la calculer.
Bonjour Edouard,
Mon portfolio est en Euros chez un broker pas en France.
Je pense créer la partie obligation de mon portefolio de la facon suivante :
– 60% iShares Global Corp Bond EUR Hedged UCITS ETF : IBCQ ou CRPH
– 40% iShares € Govt Bond 1-3yr UCITS ETF EUR : IBGS
1- Est-ce un bon choix ?
2- Mon broker m’indique que pour l’obligation : iShares Global Corp Bond EUR Hedged UCITS ETF , j’ai le choix entre IBCQ et CRPH. Ces 2 obligations ont le meme ISIN IE00B9M6SJ31 .
Comment faire la difference ? Quel obligation prendre ?
Je n’ai pas trouvé d’indications sur la liquidité sur Morningstar ou justef.com, sur quel site puis-je trouver ces infos pour m’aider à choisir ?
Merci beaucoup !
Je pense que c’est un bon choix, mais j’aurais tendance à prendre très légèrement plus long (5-7 ans) … quoique ça se discute.
CRPH est coté à Londres tandis que IBCQ est coté en Allemagne, ce n’est peut être pas les mêmes frais.
Mais vous avez intérêt à chercher des ETF cotés sur Euronext, vous aurez certainement moins de frais de courtage. Mais le choix se restreint assez largement
Bonjour,
Je compte transférer les sous que j’économise vers un compte en Euros. Du coup je pensais trouver un fond en Euros.
Mais je ne sais pas lequel choisir ni sur quels critères le choisir.
merci pour votre aide.
Bonjour,
Justement je ne cherche pas nécessairement de fonds qui entre dans une AV puisque je ne suis pas résident fiscal en France.
Mais je ne sais toujours pas comment choisir un fond. Lequel conseilleriez vous ?
Sur quel durée ?
Merci
Bonjour,
Il faudrait prendre un ETF obligations d’Etat dans votre monnaie de référence. Quelle est-elle ?
Vous avez gardé l’euro comme monnaie de référence ? (J’ai jamais abordé cette histoire de monnaie de référence dans mon blog ou dans le livre)
Bonjour Edouard,
Je ne suis pas en France donc je ne cherche pas un Fond qui puisse aller sur une AV. Mais je pensais quand même à un fond européen.
Pourriez-vous indiquer comment s’y retrouver et comment choisir un fond s’il vous plait ? Quelle durée est préférable ?
J’ai vu IBGS (iShares govt Eur 1-3 years) et IBGX (ishares govt Eur 3-5 years).
Ou bien celui de la France IFRB ?
Merci pour votre aide
Bonjour,
Je ne pense pas que ce soit une bonne idée de mettre un ETF d’obligations gouvernementales dans une AV. Ca va rapporter ~0% net de frais.
Bonjour Julien, oui il faudrait que je le fasse. Mais je n’ai pas vraiment d’avis tranché sur le sujet. J’ai donc des recherches à faire pour pouvoir donner un avis étayé. Et c’est assez complexe.
En tout cas, je ne l’utiliserais pas en épargne de précaution. Pour le long terme pourquoi pas.
bonjour Edouard, je me demandais juste si vous avez toujours en objectif de publier un article sur les contrat av euro nouvelle génération ( dynamique, immobilier..).
Ils me semblent une alternative intéressante a la baisse des fonds euros mais votre expertise me serait très utile..
Merci
Bonjour Fructif,
Tout d’abord merci pour cet article, très intéressant comme toujours.
Dans le cadre de votre futur article sur le risque des fonds euro, je me permets de vous soumettre une interrogation. Pensez-vous que le risque d’un fonds euro se mesure à sa composition? Ou faut-il plutôt se baser sur l’ensemble des actifs de l’assureur?.
Illustration: Supposons qu’un assureur propose un fonds euro composé de dettes de l’Etat grec et un second fonds euro composé de dettes de l’état suisse.
Si l’Etat grec venait à faire faillite, les souscripteurs du fonds euro grec perdrait tout et ceux de l’état suisse rien? Ou assisterions-nous à une répartition arbitraire des pertes entre les assurés?
En vous remerciant,
Kerguelen
Merci encore pour cette nouvelle contribution de qualité.
Juste une petite précision : le réseau de banques classiques “historique” qui distribue les produits Suravenir est le Crédit Mutuel Arkea.
Merci, vous avez tout à fait raison. J’ai corrigé.
Edouard, vous pourriez même laisser le “Arkea” car cela ne doit concerner que les fédérations de Bretagne, Sud-Ouest et Auvergne… mais là je sens que je pinaille ;-).