SMART BETA : LES PETITES ENTREPRISES ET LES ACTIONS MOMENTUM SURPERFORMENT
POINTS CLÉS
- Il est facile de trouver des types d’actions qui ont surperformé par le passé sur la base de critères quantitatifs. Ces critères s’appellent des facteurs.
- Il est important de connaître ces facteurs, car ils sont utilisés dans les ETF Smart Beta, particulièrement à la mode, et probablement à raison.
- Les facteurs small, value et momentum semblent être les plus robustes, même si les facteurs qualité, investissement et faible volatilité restent intéressants.
Les facteurs Smart Beta sont très nombreux, mais finalement peu sont « robustes »
Cet article fait suite à l’article, « Surperformer le marché grâce au Smart Beta ? ». Les chercheurs et les investisseurs ont découvert, parfois depuis très longtemps, que certains styles d’actions surperformaient le marché. On s’est, par exemple, aperçu que les entreprises ayant une bonne profitabilité surperformaient les autres, celles qui faisaient des augmentations de capital sous-performaient, celles qui investissaient peu surperformaient, les petites capitalisations surperformaient, les entreprises payant des dividendes surperformaient etc. Ces types de sociétés sont définies sur la bases de critères quantitatifs, encore appelés facteurs.
De manière générale, ces facteurs ont été découverts de manière empirique, c’est-à-dire sur la base de l’historique. Il faut alors trouver les causes, a posteriori. En étudiant l’historique, on peut tomber au hasard sur des anomalies (un facteur qui n’a pas encore été expliqué). Mais ce n’est peut-être que du hasard, justement. Il faut donc trouver des justifications théoriques valables. Ces explications sont de deux types. Certains expliquent que cette surperformance est due à un plus grand risque et d’autres à un comportement irrationnel des investisseurs. De toutes les manières, ces actions de permettent pas de gagner à tous les coups.
Pour savoir si un de ces facteurs est vraiment à prendre en compte et non dû au hasard, il y quelques vérifications à faire. Je vais en citer seulement quelques-unes :
- Le facteur doit être puissant de manière progressive (le décile ayant le facteur le plus fort surperforme le décile d’après, etc.).
- Le facteur doit fonctionner sur plusieurs zones géographiques, et sur différentes périodes de temps (suffisamment longues et avec différents environnements économiques).
- Le facteur doit continuer à fonctionner après sa découverte.
- Le facteur doit pouvoir être défini selon différents critères assez proches, mais qui donnent chacun de bons résultats (il existe, par exemple, plusieurs critères objectifs qui définissent la cherté d’une entreprise ou sa qualité).
Évidemment, ce n’est jamais tout noir ou tout blanc, et tout cela donne lieu à des débats. Cela étant, trois facteurs me semblent particulièrement robustes : le small, le value et le momentum.
Les entreprises de petite taille ont historiquement largement surperfomé
En se référant à la base de données de « Fama & French », on voit clairement que les entreprises de petite taille ont surperformé les entreprises de grande taille. Le graphique ci-dessous montre les performances par décile de capitalisation boursière, depuis 1926 aux États unis (soit 90 ans).
Ainsi, les entreprises du décile avec les plus faibles capitalisations (soit moins de 260 Millions de $ de capitalisation pour 2016) ont fait en moyenne 17% par an, tandis que celles du plus grand décile ont fait 9%. Mais attention, il y a des risques lié à ce type d’investissement. Par exemple, la volatilité du premier décile a été de 35% et celle du 10e décile de moins de 20% !
Cependant, depuis bientôt 40 ans, les « small caps » surperforment moins aux Etats-Unis. Certains disent même que ce facteur n’existe plus. En fait, les résultats diffèrent un peu en fonction de l’indice de référence choisi.
Cependant, au niveau international, on voit bien que souvent les grandes capitalisations sous performent le reste des entreprises. Par exemple, en France depuis 22 ans, en étudiant les indices MSCI, on voit que les grandes capitalisations (les 70 premières, soit un peu plus que le CAC 40) ont fait 6,9% par an tandis que les mids et small (soit 90 entreprises de plus) ont fait 9% par an.
Mais au-delà des chiffres, quels sont les arguments de fond ?
Il y a bien sûr des raisons qui expliquent que la prime (surperformance) pour les petites capitalisations devrait baisser. En effet, une prime existait parce que les petites capitalisations étaient difficile à acheter (notamment chères à acheter). Il était donc difficile de diversifier et au final le risque était élevé. Et comme vous le savez, le risque doit être rémunéré. Aujourd’hui, les coûts de trading ont fortement baissé, ces marchés sont beaucoup plus accessibles et on peut même investir dans les small caps au travers d’ETF très liquides. On prend moins de risque à acheter des small caps et elles performeront donc moins bien qu’avant.
Cependant, à mon sens, les petites capitalisations restent plus risquées que les grandes capitalisations. Elles sont, par exemple, souvent plus exposées à leur marché local et donc à une seule économie. Elles peuvent aussi plus difficilement faire face aux crises. Il est notamment plus probable qu’un pays aide une grande entreprise connue plutôt qu’une PME qui ne va pas faire grand bruit. De plus, elles sont moins liquides que les grandes entreprises. Il est donc naturel que l’investisseur soit mieux rémunéré que lorsqu’il investit dans de grandes capitalisations. Certes moins qu’avant, mais tout de même un peu.
Le value et surtout le small-value surperforment très nettement, et ces facteurs sont bien expliqués par la théorie
Les entreprises « value » sont les entreprises qui sont mal valorisées par rapport, par exemple, à leur bénéfice. Ce sont souvent des entreprises qui ne font pas rêver. Elles s’opposent, aux entreprises de croissance, qui elles sont très glamour. Par exemple, en ce moment vous avez une proportion importante de Total dans le France Value. C’est normal, avec la baisse du pétrole « personne » n’en veut ! Mais, au final, ces entreprises surperforment sur le long terme.
C’est tout à fait normal puisqu’elles sont plus risquées. On a, par exemple, beaucoup moins de visibilité sur leurs bénéfices futurs. Par ailleurs, elles sont souvent assez endettées et elles courent un risque de faillite plus grand lors des crises. L’actionnaire doit être rémunéré pour ce risque.
Mais le fait que personne n’en veuille fait aussi qu’elles sont plus performantes sur le long terme. Il y a moins de compétition pour les acheter, on achète donc moins cher leur bénéfice.
Une autre explication est que les analystes sont bien souvent trop optimistes sur les bénéfices attendus des entreprises de croissance. D’ailleurs, pour une entreprise de croissance, il suffit d’une mauvaise nouvelle pour que le cours chute ; et pour une entreprise value il suffit d’une bonne nouvelle pour que le cours monte. En effet, il faut se rappeler que le cours de bourse évolue en fonction de la différence par rapport aux attentes. Il ne faut pas de bons résultats, mais des meilleurs résultats que prévus.
Il y a bien d’autres explications à la surperformance. Mais les arguments, qu’ils soient liés au risque ou aux comportements absurdes des investisseurs, sont vraiment très parlants.
Cependant, on peut aller plus loin en mixant les facteurs « small » et « value ». Vous pouvez voir, ci-dessous, le résultat par quintile aux États-Unis de 1929 à 2015 :
On voit par exemple, que pour les 20% des entreprises avec la plus petite capitalisation, les valeurs de forte croissance ont fait 4,2% par an et celles réellement value ont fait 21,5%. L’écart est moins grand pour les entreprises de taille importante.
Le Momentum, même s’il est mal expliqué par la théorie des marchés efficients, est un facteur incontournable du smart beta
Les actions qui ont le mieux performé récemment sont celles qui vont probablement le mieux performer dans un proche avenir, c’est ce que l’on appelle l’effet Momentum. Cet effet est très puissant. Ainsi, comme on le voit dans le graphique ci-dessous, en se focalisant sur le décile des actions qui ont le plus augmenté sur les 12 derniers mois (en excluant le denier mois), on obtient une performance de 20,1% par an depuis 1927 alors que le décile des actions qui ont le moins augmenté sur les 12 derniers mois a fait 5,3% par an.
Cependant, le momentum est un facteur qui est assez mal expliqué dans le cadre des marchés efficients. Mais, on peut tout de même considérer qu’elle comporte des risques importants, car elle comporte des krachs importants dans certaines conditions. Et qui dit risque dit performance.
En revanche, ce phénomène est facilement compréhensible si on se réfère à la finance comportementale. Ainsi, cette branche de la finance explique que l’effet de groupe est très fort. Beaucoup de gens regardent les performances passées récentes pour investir, cela a un effet boule de neige.
Cependant, cet effet devient inverse au bout de quelque temps, c’est ce que l’on appelle le retour à la moyenne. Il en résulte qu’il ne faut pas garder ce type d’actions trop longtemps. Ainsi, mettre en place cette stratégie implique des coûts de trading important. Un certain nombre de chercheurs pensent d’ailleurs que ces coûts compensent complètement la prime liée à cette stratégie et qu’elle ne donne pas de bons résultats quand elle est mise en place in vivo.
Cependant, l’effet est tellement fort et tellement généralisé dans les différentes classes d’actifs et les différents pays qu’il est impossible de l’ignorer.
Autres facteurs potentiellement intéressants et conclusion
Parmi les dizaines de facteurs possibles, on peut rapidement en citer trois de plus qui me semblent intéressants : qualité, investissement et faible volatilité. Ils me semblent tout de même moins robustes que les deux facteurs que sont « small value » (et non small tout seul et/ou value tout seul) et « momentum ».
Nous verrons dans un prochain article comment mettre en place ces stratégies, dans le cadre d’un PEA, PEA-PME, d’un CTO ou d’une assurance vie.
Bonsoir Edouard,
Je reviens vers vous pour faire une proposition de portefeuille suite au fait que le SMRT n’est plus élligibible au PEA.
Que pensez-vous de :
– 30% small value momentum (mix de 3 ETF monofactoriel : size – value – momentum)
Je comptais prendre amundi europe momentum (MCEU), amundi europe value (CV9) et lyxxor small cap EMU (MMS). Pour lyxxor, je l’ai pris pour l’encours. De plus, cela permet de diversifier les émetteurs. Si j’ai bien compris la capitalisation moyenne EMu est plus faible que celui d’Amundi qui suit plus des mid cap.
Cependant, je ne suis pas sûre de savoir si l’effet synergique des facteurs que vous décrivez dans votre livre fonctionnent dans un mix de 3 ETF ou s’il vaut mieux un screener qui filtre sur des critères à la fois value, momentum et small…
Ensuite, savez-vous pourquoi Morningstar indique qu’il n’est pas vendu en France, ne l’était-il pas?
20% d’émergent
10% du tracker EPRE (foncières européennes) pour l’aspect diversifiant et décorrelant (effet non avéré à chaque crise)
40% du tracker CW8 (pour inclure le japon) ou SP500. Je ne sais pas lequel choisir.
Ce qui me ferait 6 trackers, qu’en pensez-vous? J’ai peur d’être trop éloignée d’une diversification par PIB (ce qui me permettra de réduire mon exposition au dollar et aux états-unis un peu cher par rapport au reste du monde) et d’avoir trop de trackers. 1000€/mois déstabliserait trop mon alloc non?)
Je souhaite avoir un porte-feuille respectant une répartition géographique par PIB et en mettant du factoriel sur le coté europe. Avec 10% en immo pour le pouvoir diversifiant.
Pensez-vous que malgré le risque factoriel et le risque émergent, le drawback maxi auquel je peux m’attendre soit du même ordre qu’un simple CW8 soit -50%?
Bonsoir Elodie,
Pour mimer l’ETF SMRT vous pouvez prendre plusieurs ETF monofactoriels. Il faudrait inclure un ETF Low Vol pour vraiment mimer SMRT en plus de ceux que vous indiquez, mais je pense que si l’on veut ajouter un 4e ETF un tracker Quality fait du sens.
Cela étant les ETF monofactoriels sont européens, et il y a un ETF Multifactoriel européen toujours éligible au PEA non ?
Je préfère un screener qui mixe les différents facteurs d’un coup, mais l’approche multi etf monofactoriels fonctionnent aussi (il y en a qui préfèrent)
Si vous prenez l’etf multifactoriel europe, + du s&p500 + de l’émergent ça reste relativement simple
Pour le drawdown, je pense qu’il faut partir sur quelque chose d’équivalent à un ETF Monde oui (plus de -50%).
Merci beaucoup pour ce retour. J’en profite aussi pour vous féliciter pour le partage de vos trouvailles, c’est très intuitif, et instructif pour l’épargnant lamda (que je suis!). J’ai toujours été à la recherche de solutions simples pour mon épargne. Après deux ans d’auto formation à l’analyse financière, je suis très à l’aise avec un portefeuille de valeurs décotées en terme de cashflow, avec des règles simples d’achat vente. J’avoue que la découverte de tous ces ETFs bouleverse un peu mes idées, et permet aussi – à moindre coûts – de se constituer un portefeuille de façon totalement passive. Par contre, il est – je trouve – difficile de se faire une idée sur la pertinence des choix de stratégies de gestion, souvent propriétaires.
J’observe aussi qu’il y a un véritable engouement marketing autour du Momentum aux US (Il n’y a qu’à constater l’historique de certains ETFs: Pour beaucoup, ils sont très récents. Et ça, je m’en méfie !
Je vais regarder cet ETF.
Small cap “value”. Oui, intuitivement, j’adhère à ce que vous dites, et les papers de lEdhec confirment que ce sont des facteurs puissants et vérifiés dans le temps.
Par contre, lorsque l’on passe à la pratique, je suis beaucoup moins à l’aise avec les contenus desdits ETFs.
J’en prends un pour illustrer mon propos (Peut-être qu’il s’agit d’un contre exemple, mais je suis tout de même surpris).
Le Small Cap Value de chez Vanguard (VBR) affiche bien un investment style Small value (En bas à gauche dans la boîte Morningstar). Par contre, à ce jour le P/E du portefeuille est de 24.4; une paille!
Oui, OK, le P/E n’est pas le seul critère, loin de là, mais je suis surpris que des méthodes quantitatives affichent au final de tels ratios. A ce jour, je n’ai pas trouvé d’ETF qui remplisse ces critères “value” sur des small. Par contre, c’est le cas sur les Large caps (PWV par exemple; qui affiche un P/E beaucoup plus faible que le S&P500, à peu près à 12 si je ne me trompe pas)
Le PER est un bon point de départ.
Effectivement le PER du SP500 est de 24 comme les small cap Value.
Mais il ne faut pas comparer au SP500. Le PER des small cap est de 30 et des small cap growth de 43 !
Donc VBR a bien les entreprises les plus value parmi les small.
Après on peut tout à fait dire que les small sont trop chères par rapport au large, mais c’est un autre débat.
Mais si vous voulez un ETF plus orienté value vous pouvez regarder RVZ. C’est un PER de 12 !
Mais ce n’est pas nécessairement une meilleure solution pour tout le monde, il est plus risqué (puisque plus small value) et plus cher (0,35% contre 0,08%). Mais, à titre personnel, j’aime bien cet ETF.
Merci pour ce nouvel article de qualité.
Il me semble que la première image insérée concerne l’effet momentum et pas l’effet taille, contrairement à ce qui est indiqué dans le texte.
J’attends les prochains articles annoncées avec impatience… Vous faites vraiment un travail formidable (et d’intérêt général) en transposant l’investissement passif dans le cadre français.
Bonjour,
Avec le momentum, même si on reste dans une stratégie d’investissement indiciel avec les ETFs, on glisse de l’investissement passif vers l’actif.
En effet, il faut faire tourner ses lignes tous les X mois pour profiter de l’effet de foule et éviter le retour à la moyenne.
Pour ceux qui veulent consacrer un peu plus de 10 minute par mois et aller plus loin c’est intéressant car à priori plus rémunérateur.
De fait, je suis aussi déjà intéressé par les prochains articles !
Bonjour,
Effectivement, avec le smart beta la limite entre le passif et l’actif devient très floue …
On peut le voir comme de l’actif systématique à faible coût … et effectivement ça ne demande pas vraiment plus de temps à l’épargnant 3.0
D’ailleurs voilà comment Morningstar décrit ce qu’ils nomment le strategic beta :
Mais comme c’est à la mode, il faut faire attention à ne pas tomber dans les chausses trappes … et ils sont nombreux !
Par ailleurs, faites bien attention, une fois que l’on a bien diversifié et réduit les frais, en général plus de performance = plus de risque. C’est souvent le cas du Smart Beta.
Merci pour vos éloges, et pour la lecture attentive. En effet, je m’étais trompé de graphique, j’ai mis à jour.
N’hésitez pas à en parler autour de vous …