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ACHETER SA RÉSIDENCE PRINCIPALE PARIS A IL Y A 7 ANS : EST-CE QUE CELA A ÉTÉ RENTABLE ?

Ken Fisher est un célèbre investisseur américain, avec une fortune de 4 milliards de dollars. Il écrit dans de nombreux journaux et est un auteur à succès. Je me souviens de ma lecture émue de The Only Three Questions That Count, sorti en 2006. Il était récemment l’invité sur le podcast de Meb Faber, un podcast que je vous conseille d’écouter si vous avez un bon niveau d’anglais.

Ken Fisher rappelle deux choses que j’ai l’habitude d’expliquer :

  1. Les obligations sont plus risquées que les actions sur le long terme. Ou en tout cas les actions sont moins risquées que l’on ne le pense et les obligations plus risquées qu’on ne le pense.
  2. L’investissement dans l’immobilier est moins performant qu’on ne le pense.

Nous avons déjà beaucoup parlé des obligations, alors parlons un peu de l’immobilier. Ken Fisher a écrit dans USA today l’article : Why your home is a worse investment than you think  (Pourquoi votre maison est un moins bon investissement que ce que vous pensez). Il raconte dans le Podcast qu’il s’est fait quasiment insulter sur les réseaux sociaux à cause de cet article. Les gens sont attachés à leur immobilier et veulent absolument croire que c’est un excellent investissement. Dans un de ses autres articles on peut lire :

As I said before, homes are wonderful. Owning means never worrying about eviction, rent increases or many fears readers cited. But those advantages are separate from investment wonders, despite what so many people fool themselves into believing. When weighing buying, “it’s a great investment” shouldn’t be on your pros-and-cons list.

De mon point de vue, la plupart des gens font un certain nombre d’erreurs de calcul, lorsqu’ils évaluent la performance de leur bien immobilier :

  • Ils ne comptent pas en intérêts composés.
  • Ils ne retranchent pas l’inflation.
  • Ils ne retranchent pas les frais d’entrée.
  • Ils ne retranchent pas les frais de travaux de maintien et d’embellissement (normes thermiques, toilettes à l’intérieur et plus sur le palier etc.).

Les chercheurs de la London Business School (voir Credit Suisse Global Investment Returns Yearbook 2018), ont étudié l’évolution de l’immobilier net de tout cela dans une dizaine de pays depuis 1900. Ils arrivent à une performance moyenne nette de loyer de -2,1%, oui négative ! Elle a été légèrement supérieure à 0% dans les grandes villes de la planète.

Cela ne veut pas dire qu’il ne faut pas acheter sa résidence principale. Cela veut dire que le critère financier n’est pas la raison de l’achat de sa résidence principale.

Je ne suis pas contre l’immobilier, cependant il est important d’aller à l’encontre de quelques mythes. On a l’habitude d’entendre les choses suivantes :

  • L’immobilier a fortement augmenté à Paris ces dernières années
  • Pour qu’un « investissement » dans sa résidence principale soit rentable, il faut y rester au moins sept ans
  • En immobilier, on s’enrichit grâce à l’effet de levier, alors que ce n’est pas possible avec les actions

Voyons donc ce que cela a donné un investissement dans un appartement à Paris il y a 7 ans. À cette époque, le prix moyen au m2 était de 7 310 euros, alors qu’il est désormais de 9 040 euros (Source : Notaires). Les taux d’emprunt à vingt ans étaient de 3,5% par an hors assurance (Source : L’Observatoire du Crédit Logement). Je compte des frais d’entrée de 10% (frais de « notaire » et d’agence) et des frais de propriété égaux à 1,5 mois de loyer (taxe foncière, travaux, etc.).

Du côté du locataire, les loyers ont aussi évolué (source : OLAP). L’OLAP annonce, fin 2017, un loyer moyen de 22,8 € par m2 à Paris, et de 24,1€ pour les emménagements. J’ai donc pris 24,1€ pour 2017 ajusté de l’évolution des loyers. J’ai considéré que le locataire arrivait à économiser l’écart entre le montant qu’il aurait dû payer à sa banque et son loyer. Il investit à moitié dans un bon fonds en euros et à moitié dans un ETF Monde.

Les calculs sont fondés sur un appartement de 50 M2. Voilà les résultats :

  • Le propriétaire paye à la banque 1950 € par mois. Ce qui signifie qu’il doit gagner pratiquement 6000 euros par mois … pour habiter dans 50 M2 !
  • La somme des intérêts (« ce que l’on jette par la fenêtre en le donnant à la banque ») et des frais de propriétés est supérieure jusqu’à la 5e année au loyer (« ce que l’on jette par la fenêtre en le donnant à son propriétaire »)
  • Le propriétaire a au bout de 7 ans un patrimoine de 146 K€, tout comme le locataire.

On notera que je n’ai prévu pratiquement aucun travaux, et que l’immobilier a tout de même augmenté de 24% sur cette période, ce qui n’est pas rien. Même dans ces conditions le locataire qui a correctement investi, et sans avoir un portefeuille financier très audacieux, s’en est très bien sorti.

On peut argumenter que la bourse a été particulièrement performante sur cette durée ! Elle a effectivement eu une performance de 11% par an alors que l’inflation a été faible. Depuis 1970, les bourses mondiales ont eu une performance de 10% par an. Cependant, l’inflation a été de 4% par an. S’il n’avait investi que dans un bon fonds en euros, le locataire serait tout de même arrivé à un patrimoine de 126 K€.

Il faut noter que le locataire a aussi une flexibilité plus forte, ce qui a un prix pour beaucoup de gens. Pour d’autres, être chez soi, doit aussi être valorisé.

Évidemment, ce calcul n’a pas valeur de vérité universelle (il est possible de renégocier son emprunt, ce n’est pas pareil en province, cela dépend de la période étudiée, on peut faire les travaux soit même, etc.). Cependant, on peut voir que dans un marché haussier, et avec des loyers élevés, mais finalement pas si chers par rapport à l’achat (rentabilité brute de 3,2%) on a bien un équilibre qui se crée aux alentours de sept ans, si le locataire arrive à correctement épargner et investir. D’un autre côté, il ne faut pas qu’il arrive au propriétaire une mésaventure, du type une salle de bain à refaire ou un ravalement.

Maintenant, projetons-nous dans l’avenir. Je n’ai pas de boule de cristal, mais imaginons un prix de l’immobilier stable, et un portefeuille financier diversifié avec un rendement de 3%. Au bout de 7 ans, le propriétaire aura accumulé 80 K€ (avec les taux d’emprunt actuels) et le locataire 127 K€. Il faudra rester bien plus de sept ans dans sa résidence principale pour que cela soit rentable.

Par ailleurs, comme je le montre, dans cet article, l’immobilier peut perdre très rapidement de la valeur … Et même plus de 50% en quelques années …

Cependant, la résidence principale n’est pas qu’une histoire d’argent …

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17 commentaires

  1. 1 – Comme vous le dites, un aspect important, c’est d’être “chez soi” – pouvoir bricoler comme on l’entend, décorer, personnaliser, faire évoluer. Du coup, un peu comme le Facteur Cheval, j’habite dans mon oeuvre. (Par contre, je n’ai jamais senti le besoin de posséder une voiture – qui pour d’autres peut remplir cette même fonction). Et je suis complètement d’accord que le soi-disant investissement locatif est non seulement pas rentable, mais aussi une horreur à gérer.
    2 – Je vendrai bientôt mon 3e appartement, avec une plus-value d’au moins 80% après 12 ans (estimation agence, testé) – achat cash grâce aux plus-values précédente. Là encore, cela dépend des compétences de chacun(e) et je ne suis (même pas) un expert de l’immobilier. Mais il me paraît beaucoup plus facile d’évaluer la valeur et le potentiel d’un appartement que celle d’une entreprise ou d’un marché financier. Pas à 100%, mais à, disons, 70%, surtout en choisissant son timing, qui permet d’attendre la “bonne affaire”. Du coup, il faut pouvoir acheter ailleurs, sans avoir vendu son logement précédent (ou être prêt à un interlude en location). Si j’ai bien compris l’investissement passif, nous partons du fait que par principe nous ne pouvons pas prévoir les évolutions.
    3 – Evidemment, il ne faut pas s’endetter au point de ne plus pouvoir investir en bourse – mais malheureusement le PEA est limité.

  2. Pas d’accord.
    1/ Il faut se loger. Soit en location, soit en tant que proprietaire.
    En location, tu payes environ 3.5-4.5% par an de rendement brut a ton proprietaire.
    En proprietaire tu payes environ 1.2% par an d’interet a ta banque, c’est 3-4x moins cher. En contrepartie tu payes des FDN de 6-7%. Je te laisse le faire calcul, a la grosse ca te prend donc 4-5 ans pour que se loger en tant que proprietaire soit plus interessant que se loger en tant que locataire.

    2/ Si on ne regardait que ca, l’evidence serait d’acheter le plus tot possible des qu’on est stable geographiquement plus de 4-5 ans dans sa vie. Mais en contrepartie de ca tu es effectivement expose de facon concentree et enorme sur UN bien immo dans UNE ville dans UN pays. C’est antithetique a la gestion de portefeuille saine, je suis entierement d’accord. L’immo a une esperance d’appreciation d’inflation+1% par an sur tres longue periode, il est donc, comme pour les actions, tout a fait normal d’acheter au plus haut, en revanche on peut stresser quand le marche prend de l’avance sur sa courbe long terme, je suis d’accord egalement.

    Mais tout est fait en France (et dans la plupart des pays) pour favoriser cet actif :
    – ta capitalisation long terme est entierement defiscalisee, vs. 30% de taxes sur les actifs financiers. A TLT cela a un effet monstrueux
    – la tension du marche foncier est administre par l’etat via le % de HLM, via les aides a la construction d’habitations ecologiquement saines, via les defiscalisation immobiliers d’investissement…
    – le mecanisme d’hypotheque et d’emprunt bancaire est centralise par l’Etat et ULTRA favorable pour que les banques soient tres souples et permettent meme aux classes moyennes d’acheter sans peine (beaucoup moins vrai dans d’autres pays pour le coup)

    3/ Ne pas acheter est donc se mettre a contre courant et malheureusement, avoir raison trop tot, c’est avoir tort. De facon similaire a quelqu’un qui chercherait a faire du timing de marche action pour son epargne a qui je dirais que ‘time in market beats timing the market’, il est sain de faire le jouer politique, economique et social d’acheter en France sa RP.

  3. Imaginons que le locataire qui ai investit dans un portefeuille boursier decide de sortir ses 140k?
    Qu’en est il des taxes sur les plus values? Combien lui resteras il dans sa poche veritablement?

    1. L’investisseur passif financier peut largement optimiser son imposition grâce au PEA et à l’assurance vie (dans ce cas on y gagne sur la succession aussi).
      Mais c’est vrai que la résidence principale est une niche fiscale très intéressante.

  4. Bonjour Édouard,

    Je suis d’accord avec vous sur le fait que le rendement réel de l’immobilier est bien inférieur au rendement “ressenti” par les non-spécialistes, mais ce n’est pas une raison pour s’en détourner. Dans une optique d’investissement à long terme, l’immobilier permet une diversification de son patrimoine et donc par ce biais un meilleur rendement. Rien ne nous dit que les différentes classes d’actifs se comporteront à l’avenir comme elles l’ont fait jusqu’ici, et l’immobilier permet justement de nous couvrir contre les scénarios futurs dans lesquels actions se comporteraient mal.

    Bref, je pense que se tenir complètement à l’écart de l’immobilier serait aussi imprudent que d’y mettre tous ses oeufs.

    PS : Est-il possible d’acheter votre livre Épargnant 3.0 ailleurs que sur Amazon (que je préfère ne pas engraisser) ? Merci

    1. Bonjour Régis,
      Je n’ai jamais dit que l’immobilier c’est mal, c’est juste moins bien que ce que l’on dit. Le problème de la diversification, je le vois dans l’autre sens :
      – Combien de ménages s’endettent pour leur résidence principale avec un levier de *5 et des remboursements au taquet (plus de 30%), ne leur permettant pas d’épargner quoi que ce soit d’autre ? Ils ne se rendent pas compte que c’est un risque énorme

      La question est comment s’exposer de manière raisonnable à l’immobilier. Pas facile.

      Vous pouvez acheter Épargnant 3.0 … à la librairie de Vincennes. Si vraiment vous y tenez je peux vous en envoyer un, mais les frais de ports sont de plus de 4 euros (ce n’est pas moi qui choisis) contre 1 centime pour Amazon.

      1. Bonjour Édouard,

        Pour info, j’ai finalement passé commande sur Amazon, car la librairie Millepages de Vincennes m’a fait la réponse suivante :
        “désolé mais cet ouvrage est publié via un site d’auto-édition à l’étranger et nous ne pourrons donc pas vous le procurer.”

        Cordialement

        1. Pourtant, il est actuellement en vente dans leurs rayons … (je l’ai laissé en dépôt vente) ; envoyez moi un mail avec coordonnés et je vais vous l’envoyer … (je suis en train de regarder pour être un peu moins dépendant d’Amazon, mais je ne trouve pas de solution acceptable)

        2. Merci pour la proposition, mais ce ne sera pas nécessaire : je suis passé à la librairie hier après-midi et effectivement il y avait un exemplaire du livre en rayon, dont je suis maintenant l’heureux propriétaire !

        3. tartuffe dit :

          Est-ce qu’il y a des actions Amazon dans vos investissements en ETF ?

        4. Oui bien sûr, Amazon est la 3e capitalisation mondiale. C’est, par exemple, 1,8% du MSCI World à ce jour.

  5. stéphane S dit :

    Perso,j’ai vendu mon apparttement (je n’ai plus de crédit dessus) il y a un an pour redevenir locataire.
    Hélas les porpriétaires sont les mal aimés de l’état français…

    Deux raisons:
    1) Les taxes foncières + les charges de copropriétés sont devenus disproportionnées!
    2) Mobilité. Je veux déménager à tout moment sans passer par la case vente et la case frais de notaire!

    PS: La mixité social mal gérée qui génère de grave trouble de voisinage (constat en 12 ans le secteur s’est degradé !), quid de la valeur résiduel d’un logement acheté à prix d’or dans une zone devenu chaotique!

    J’ai placé mon pécul et je peux dire qu’avec les intérêts, mon loyer est entirement payé. Plus de contraintes…
    Il faut dire que lorsqu’on est locataire on a tendance à dépenser beaucoup moin pour son logement.

    Attention, par contre si je vivais dans une autre région avec un prix immobiier moin coûteux et dans un cadre paisible je n’hesiterais pas a faire l’achat.

    Stéphane

    1. Je vous rejoins, l’immobilier est particulièrement problématique pour les parisiens, et peut être moins pour les gens en province.

  6. Christophe dit :

    Une différence notable est qu’au bout de l’emprunt, le bien appartient au propriétaire qui peut en jouir sans bourse délier.
    C’est une assurance “tranquilité” pour le futur.
    D’autres parts cela force à faire l’investissement que l’on voit se concrétiser sous nos yeux.
    Quel locataire fera le même effort d’investissement en action (ou autre)

    1. Je vous rejoins sur le dernier point, l’immobilier est une épargne forcée et c’est intéressant de ce point de vue. Il y a tout de même des locataires qui épargnent, j’en suis et j’en rencontre souvent du fait de mes livres et de mon blog.
      En revanche, l’aspect tranquillité pour le futur est, à mon sens purement psychologique (et ça compte). Si au bout de 20 ans vous avez, en tant que locataire, plus de capital qu’un propriétaire, dont les flux/la performance vous permet de couvrir votre loyer ad vitam eternam, où est le problème ? Et c’est bien se qui se passe en moyenne.
      En plus, avec un unique bien, on ne pas dire que ce soit une assurance tranquillité. L’assurance tranquillité c’est la diversification.

      1. Bonjour Edouard,

        Psychologiquement, je vois une différence entre “j’habite dans ma RP payée donc je ne dois plus rien à personne” et “je dois un loyer mais j’ai un flux entrant qui me le paie”. Car on est dépendant de ce flux entrant: s’il se coupe il faut une autre source pour compenser.

        Et pour l’instant, je ne connais aucune source de flux qui génère 0 stress, c’est à dire qu’on est 100% convaincu qu’elle ne se coupera jamais, quoi qu’il arrive.

        La diversification est une réponse partielle à ça, pourvu qu’elle fonctionne réellement s’il se passe une crise comme maintenant. Mais à moins d’avoir le triple ou le quintuple du loyer qui rentre, je serai toujours moins rassuré qu’avec le fait de ne rien de voir sortir.

        Qu’en pensez-vous ?

        1. Soufiane dit :

          Bonjour Vivien,

          Ce n’est pas vraiment ca, je pense que le message ici est juste de dire qu’il est possible au bout d’un certains temps d’etre encore locataire tout en ayant reussi a accumuler le capital necessaire (et meme plus) pour acheter sa residence principale.

          De ce point de vue la celui qui se trouve dans cette situation a la meme tranquillite d’esprit que celui qui est proprietaire et qui a fini de payer sa residence principale.

          Si j’ai un loyer de 1500 euros avec un salaire de 3000 euros mais que j’ai 500000 euros a la banque, je ne suis pas plus stresse que celui qui a le meme salaire de 3000 euros, qui ne paye plus de loyer mais qui n’a pas les 500000 euros.

          Soufiane