LE COÛT DE NE PAS INVESTIR EST ÉNORME À CAUSE DE L’INFLATION
Le titre de cet article aurait pu être « Voilà pourquoi il est plus performant et moins risqué d’investir en actions plutôt que de laisser dormir votre argent sur un Livret A ou un fonds en euros ».
De manière générale les Français sont assez frileux pour investir en actions. Avec les marchés soi-disant au plus haut, malgré le mini-krach récent, cela n’arrange probablement rien. Dans l’article « Pourquoi ce n’est pas grave d’investir au plus haut », j’avais montré qu’il était contre-productif attendre le prochain krach ou même la prochaine correction. Dans cet article, nous analysons quel est l’impact d’être peu investi en actions, tant en termes de performance que de risque.
L’impact de l’inflation sur les comptes-courants et le livret A
L’inflation est faible sur le court terme
Qu’est-ce que cela veut dire de ne rien faire de son argent ? Cela veut dire qu’on le laisse « dormir » sur son compte courant ou (légèrement) mieux sur des livrets réglementés du type du Livret A ou du LDD. Pendant ce temps-là, les prix augmentent. C’est le phénomène de l’inflation. Et comme l’investisseur a, par nature, en général la mémoire courte, il a tendance à penser que ce n’est pas très grave. En effet, depuis une vingtaine d’années, nous vivons avec une inflation inférieure à 2% et même proche de zéro depuis cinq ans.
Mais elle a été bien plus élevée sur le long terme
Cependant, cela n’a pas toujours été le cas. L’inflation annualisée en France depuis 1900 est de 6,9%. Oui, un épargnant qui aurait laissé son argent sur son compte courant aurait perdu 6,9% par an. Aux États-Unis, l’inflation a été de 2,9% par an. Aussi, on peut aussi voir dans le tableau ci-dessous qu’il y a eu des périodes d’inflation extrême : 65% en France en 1946, 25% au Royaume-Uni en 1975, l’hyper inflation des années 20 en Allemagne etc.
Vous allez alors me dire qu’il ne faut pas être très malin pour laisser dormir son argent sur son compte courant. Allons donc voir ce qui se passe du côté du Livret A. Mais avant cela, rappelons que le Livret A est limité à 23 k€ et le LDD à 12k€. Certes, on peut en ouvrir à ses enfants, mais cela reste malgré tout limité. Aussi, le Livret A sert en grande partie à financer la construction de HLM, il est donc politiquement et sociétalement impossible qu’il rapporte beaucoup. Théoriquement, le taux du livret A est le taux d’inflation majoré de 0,25 point. Cependant, c’est dans la réalité plus compliqué que cela et le politique a son mot à dire. D’ailleurs, en 2017 le taux du Livret A était de 0,75% et l’inflation de plus de 1%. Un épargnant a perdu du pouvoir d’achat avec son Livret A. Est-ce que c’est une situation exceptionnelle ? Figurez-vous que non !
La performance du Livret A depuis 1900
Le graphique ci-dessous montre le taux du Livret A comparé à l’inflation, depuis 1900.
On voit bien que l’on peut avoir des périodes de très forte inflation. En revanche le taux du Livret A a toujours été assez bas. On peut toujours argumenter que les conditions sociaux-économiques d’aujourd’hui sont très différentes de la première moitié du XXe siècle, mais force est de constater que le livret A a rapporté 3,5% par an depuis 1900, alors que l’inflation était de 7%. Un épargnant aurait perdu 3,5% par an en pouvoir d’achat.
Rappelons que la bourse française a eu sur cette période une performance de 3,3% par an et les bourses mondiales de 5,3% par an (en monnaie française), nette d’inflation (française).
Un épargnant français qui aurait mis l’équivalent de 100 000 € en 1900 sur son compte courant aurait aujourd’hui l’équivalent de 25 € et celui qui aurait investi en actions mondiales aurait l’équivalent de 40 millions d’euros ! Il n’y a pas de fautes de frappe.
L’impact de l’inflation sur les obligations
La performance des obligations sur le long terme
Vous allez me dire que l’épargnant qui laisse son argent sur son compte courant ou même en livret A n’est pas bien malin ! Soit ! Il l’investit donc en fonds en euros (voir cet article sur la composition des fonds en euros). Un des placements préférés des Français. Un fonds en euros est constitué en grande partie d’obligations. Regardons donc quelle aurait été la performance des obligations, si l’on déduit l’inflation : 0,3% en France (en monnaie française avec l’inflation française) et 2% aux États-Unis (en dollars avec l’inflation américaine). Cela aura permis de conserver son pouvoir d’achat, mais guère mieux.
Les risques de l’investissement en obligations
Mais cette stratégie n’est pas dénuée de risques. On peut voir ci-dessous que si les obligations ont augmenté de pratiquement 6,9% par an (net d’inflation) de 1982 à 2015, il y a eu des krachs énormes :
- En deux ans, au début des années 70, elles ont perdu la moitié de leur pouvoir d’achat.
- En trois ans, au sortir de la Deuxième Guerre Mondiale, elles ont perdu 84% de leur pouvoir d’achat en France.
Les actions moins risquées que les obligations ?
Aussi, Jean-François Laulanié, dans son excellent livre « Les placements de l’Épargne à long terme », a calculé que la probabilité de perte en pouvoir d’achat diminuait avec la durée d’investissement pour les actions, mais augmentait pour les obligations. Par exemple, en investissant sur 25 ans, la probabilité de perte en pouvoir d’achat était légèrement supérieure à 10% sur les actions françaises, 0% sur les actions américaines et 50% sur les obligations françaises. Je cite Jean-François Laulanié :
Tant en France qu’aux États-Unis, dès cinq ans de détention les placements en actions et en obligations présentent le même risque en valeur réelle, risque bien inférieur au placement monétaire. À partir de cinq ans de détention, ce risque chute beaucoup plus rapidement pour les actions que pour les autres placements pour devenir marginal au bout de quinze ans de détention. Ainsi, un long terme, et en termes de pouvoir d’achat, un placement en actions se révèle moins risqué qu’un placement à taux fixe.
De plus, autant il est extrêmement facile de diversifier mondialement un investissement en actions, notamment grâce aux ETF, autant cela reste un peu plus compliqué en obligations. D’ailleurs, les fonds en euros sont majoritairement investis en obligations françaises, et très peu en obligations en dehors de la zone euro.
C’est pour cela qu’il faut comparer un investissement diversifié mondialement et uniquement national (ou zone euro) en obligations. Aussi, sur des périodes de dix ans, un investissement mondial aura eu un peu plus de 10% de probabilité de perte en pouvoir d’achat, tandis que la probabilité de perte pour un investissement en obligations françaises de 35%. La probabilité de perdre du pouvoir d’achat en laissant son argent sur son compte courant est proche de 100%, car il y a peu de période de déflation.
Le graphique ci-dessous montre les résultats par période de dix ans (net d’inflation française).
Quel placement vous paraît le plus risqué ?
Aux États-Unis, depuis 1928, un investissement sur dix ans a au pire rapporté -0,4% par an en actions, -3,4% par an en obligations et -4,1% en emprunts d’État de court terme, soit l’équivalent des livrets.
Quel placement vous paraît le plus risqué ?
Pourtant sur cette période, les actions américaines ont rapporté (net d’inflation) 6,9% par an, les obligations 1,5% et les emprunts d’État à court terme 0,1%.
Conclusion pour l’Épargnant 3.0 : différencier le risque de court terme et de long terme
Oui l’investissement en actions est risqué. Les bourses peuvent rapidement perdre 50% de leur valeur. Cependant, dès que l’on se projette à long terme la vision du risque est très différente. Laisser dormir son argent sur un compte courant ou même un livret A est finalement assez risqué à long terme. Aussi, si les fonds en euros présentent de nombreux avantages, il ne faut pas oublier qu’ils sont protégés contre une baisse sans prendre en compte l’inflation. Un placement en fonds en euros peut donc perdre de la valeur.
Synthétisons ce que seraient devenus différents placements, sur le moyen long terme :
Ne pas investir a un coût énorme. Aussi, il faut réellement différencier le risque entre le risque de court terme et de long terme. Investir en actifs risqués sur le court terme (les actions) permet de diminuer le risque de long terme. C’est investir en actifs risqués qui vous permet d’atteindre vos objectifs et réaliser vos projets.
Et comme je l’explique dans cet article, et dans mes livres, il est possible d’avoir une excellente performance et un risque maîtrisé, en y passant qu’une minute par mois … pourquoi se priver ?
Est-ce vraiment pertinent de prendre en compte les années du début du siècle, sachant qu’elles ont été obtenues dans un régime monétaire très différent ? Ou au moins, faire des graphiques et statistiques en séparant bien chaque régime monétaire. Là, vous mélangez des données datant de l’étalon-or ou de bretton-woods, avec des données modernes… Personnellement, je me serais limité aux données commençant dans les années 70/80, à savoir quand les banques centrales ont commencé à faire uniquement de l’inflation-targeting. Surtout que dans ce régime monétaire, la cible d’inflation de 2% de la BCE et de la Fed limite quand même l’épargnant contre l’inflation (du moins tant que les taux ne sont pas trop bas, comme ils le sont actuellement en europe). J’utilise d’ailleurs cette cible comme ancrage pour savoir mes placements sont protégés de l’inflation ou non.
Il est toujours difficile de prendre une date de début pour les analyses. Cependant, il me semble saint de remonter le plus loin que l’on puisse. Et un des pires ennemis de l’investisseur est probablement de proclamer “cette fois-ci c’est différent”, c’est ce genre de raisonnements qui crée les bulles.
À titre personnel, ce qui se passe depuis les années 70 avec, en gros, un énorme mouvement positif sur les obligations (lié à la baisse des taux), est une anomalie historique. Cela a très peu de chance de se reproduire. Et a fortiori, car les taux d’emprunt sont justement très bas maintenant.
Par ailleurs, une inflation à 2% avec des taux d’emprunt des États à 0% ça aboutit à une performance de -2% par an pour les obligations d’État.
Mais ce que je cherche à démontrer ici, c’est surtout que le risque n’est pas nécessairement là où l’on croit. La question de la performance attendue sur les prochaines années est un peu différente …
Encore un article absolument excellent. Je suis un fervent prosélyte de votre blog notamment auprès de nombreux “millenials” qui doivent vite apprendre les bases d’une gestion saine de leur argent, étant donné qu’ils peuvent avoir une optique long-terme.
Encore bravo !
Merci MisterOnline, et merci de faire passer le mot … je pense que cela devrait être une lecture obligatoire de tous les millenials… et des autres.
Bonsoir,
Merci pour cet article qui met des chiffres sur l’impact de l’inflation sur nos finances.
Votre étude de cas portant sur le moyen/long terme, je me permets de vous demander votre point de vue sur les alternatives au livret A ou LLD pour des placements court terme (trésorerie, économies annuelles pour partir en vacances ou financer ses impôts…), permettant d’être aussi bien protégés et souples. On peut penser au CTO avec un produit pépère ou un F€ sur une AV, mais faut prendre en compte les impôts. Avez-vous d’autres idées ?
Bonjour,
Je pense qu’un bon fonds en euros est quand même censé faire très légèrement mieux qu’un Livret A. A chacun de voir si la plus faible liquidité des fonds en euros, est un problème par rapport à ses besoins de court terme.