Vente à découvert (VAD) et short selling : définition et intérêt
La vente à découvert, abrégée VAD en français, et que l’on appelle Short Sale ou Short Selling en anglais, permet de profiter de la baisse d’un actif, tel qu’une action. En général, lorsqu’un investisseur achète une action, il espère faire un gain en recevant un dividende et/ou une plus-value. Avec la vente à découvert c’est le contraire, l’investisseur espère une baisse.
Nous allons voir dans cet article le fonctionnement d’une vente à découvert et que la vente à découvert n’a pas que des mauvais côtés pour les épargnants voire même la société.
Le fonctionnement de la vente à découvert
Les principes du short selling
L’investisseur commence par emprunter les actions qu’il compte jouer à la baisse à un investisseur qui possède ces actions. Ensuite, il vend ces actions. Mais il doit bien sûr rendre à un moment donné ces actions à la personne à qui il les a empruntées. L’investisseur qui a fait la vente à découvert doit donc acheter sur le marché les actions afin de rembourser en nature l’investisseur qui avait les actions. Son investissement est gagnant, s’il arrive à racheter les actions à un prix inférieur à sa vente initiale.
Nous allons clarifier tout cela grâce à un exemple, mais précisons tout de suite que si on parle d’emprunt d’actions, il serait plus juste de parler de location, car il s’agit bien ici d’un emprunt rémunéré.
Aussi le vendeur à découvert a ce que l’on appelle une position courte, tandis que celui qui joue à la hausse a une position longue.
Un exemple de short selling
Imaginons un investisseur A qui pense que l’action de l’entreprise Bidule va chuter. Un investisseur B est un investisseur de long terme sur Bidule (il pense donc lui faire un bénéfice sur cet investissement).
- L’investisseur A emprunte à l’investisseur B 1 000 actions de l’entreprise bidule, qui cotent à ce moment-là 100 euros.
- L’investisseur A loue ces actions à l’investisseur B pour 100 euros par mois. L’investisseur A paye donc 100 euros de “loyer” mensuel à l’investisseur B, tant qu’il ne lui a pas rendu ses actions.
- Dès que l’investisseur A reçoit ses actions de la part de l’investisseur B, il les vend sur le marché. Cela correspond à 100 000 euros (1000 actions à 100 euros).
- Après une hausse de l’action pendant 4 mois, finalement l’action finit par baisser à 90 euros au bout de 6 mois.
- L’investisseur A décide que l’action a suffisamment baissé. Il achète 1000 actions de l’entreprise bidule à 90 euros sur le marché. Cela lui coûte 90 000 euros. Il peut donc rendre 1000 actions à l’investisseur B.
- L’investisseur a donc récolté 100 000 euros au départ et a remboursé 90 000 euros à la fin. Cependant, la location des titres lui a coûté 100 euros par mois pendant 6 mois, soit 600 euros. Au final, le gain est donc de 9 400 euros. (Il peut améliorer son gain en plaçant l’argent qu’il avait récolté lors de la vente des actions, mais souvent ce gain est faible, car il est nettement plus sage de le placer sur un actif vraiment sans risque)
À noter que lorsque l’on veut emprunter des titres, surtout en tant qu’investisseur particulier, on s’adresse à son courtier plutôt que directement à celui qui détient les titres.
Le collatéral et l’effet de levier
L’exemple précédent est un cas simplifié qui permet de bien comprendre le mécanisme. Il existe naturellement, des subtilités. En voici quelques-unes :
- Lorsque l’on emprunte des titres à quelqu’un, il faut lui fournir la garantie que l’on va bien lui rendre les actions empruntées. Cette garantie s’appelle un collatéral. Comme l’action peut monter, la personne qui prête ses actions exige normalement un collatéral supérieur à la valeur des actions au moment où il les loue. Chaque fois que l’action monte, il faut fournir un peu plus de collatéral, ce qui coûte un peu plus cher.
- Il est possible d’investir une somme d’argent sur une position courte sans avoir la totalité de la somme. L’investisseur doit alors emprunter les liquidités pour pouvoir fournir son collatéral.
On peut aussi utiliser des produits dérivés ou le SRD (Service de Règlement Différé) sur Euronext. Par exemple, avec le SRD, un investisseur peut différer à la fin du mois soit le règlement soit la livraison des titres. Cependant, toutes les actions de la bourse de Paris ne sont pas éligibles au SRD.
Les difficultés de jouer à la baisse
Le temps joue contre vous
Lorsque l’on investit “normalement” dans une action, on a le temps devant soi. Ici, dans le cas d’un VAD le temps joue contre soi :
- il faut payer le loyer de son emprunt tous les mois, donc il faut que l’action baisse au plus vite. Il faut non seulement avoir raison sur la baisse de l’action, mais aussi sur le moment de cette baisse. Le taux de l’emprunt dépend de la difficulté à emprunter une action. En général il est peu élevé (inférieur à 1% par an), mais il peut être important dans certains cas. De plus, il peut varier assez vite. Ce qui ne facilite pas le pilotage de son investissement.
- l’investisseur qui a prêté ses actions peut rappeler ses actions. La personne ayant investi à découvert ne peut pas retrouver de prêteur, et sa stratégie d’investissement peut être stoppée au milieu du gué.
- de manière générale, les actions montent. L’investisseur qui a une position courte navigue donc en moyenne en vent contraire. D’ailleurs, chaque fois que l’action monte il doit apporter de plus en plus de garanties en collatéral.
- il n’est pas si rare que les régulateurs interdisent tout d’un coup ce mécanisme de vente à la baisse. D’ailleurs, c’est ce qui s’est passé pendant la crise du Coronavirus le 17 mars. En raison de la trop grande baisse des actions, la Vente à Découvert (VAD) a été interdite sur 92 valeurs sur la place de Paris Euronext.
Comme nous pouvons le voir dans cette copie d’écran du site web du journal financier La Tribune. Pendant le krach lié à la crise sanitaire du Coronavirus l’Autorité des Marchés Financiers (AMF) a interdit la vente à découvert.
Il n’y a pas de limite aux pertes lorsque l’on a une position courte
Lorsque l’on investit “normalement” dans une action, la perte maximale correspond à son investissement. Il s’agit du cas où l’action passe à 0.
Cependant, une action peut voir son cours monter sans limite. Si l’action de l’entreprise bidule dont nous parlions toute à l’heure était passée de 100 euros à 300 euros, l’investisseur A aurait dû acheter sur le marché pour 300 000 euros d’actions pour rembourser l’investisseur B. Il aurait donc perdu 200 000 euros (plus le coût de l’emprunt), pour un investissement de 100 000 euros, soit 2 fois sa mise.
Le phénomène du Short Squeeze
Lorsqu’une entreprise a beaucoup de vente à découvert et que l’action monte malgré tout, les vendeurs à découvert doivent couvrir leur position en rachetant les actions de l’entreprise. Cela fait encore plus augmenter le cours. Et le phénomène peut s’auto-alimenter. Les traders à découvert se font éjecter au fur et à mesure de leur position, et rachètent. Et comme le cours monte, les acheteurs traditionnels sont naturellement attirés par cette entreprise. Et les cours progressent encore plus et ainsi de suite …
Le Short Squeeze est un risque très significatif pour les investisseurs à découvert. Aussi, certains investisseurs en position longue peuvent chercher à en profiter.
L’intérêt de la vente à découvert pour les différents acteurs
Pour le vendeur à découvert
L’investisseur qui choisit de vendre à découvert pense que l’actif qu’il short va baisser. Il peut même avoir une position courte sur un ETF, s’il pense que le marché va baisser.
Les stratégies de vente à découvert sont assez classiques dans le monde des hedge fund qui veulent avoir une position neutre sur le marché (on les appelle parfois des hedge fund de performance absolue). Le hedge fund achète des actions en particulier et vend (à découvert) le marché dans son ensemble. Que le marché monte ou baisse, la performance du hedge fund sera uniquement la différence de performance entre les actions qu’il a achetées en position longue et le marché (en position courte).
Pour l’investisseur qui a une position longue
L’investisseur qui prête ses actions reçoit une rémunération pour son prêt. Il a donc intérêt à prêter. D’ailleurs, bon nombre d’ETF (Exchange Traded Funds), prêtent les actions qu’ils possèdent (les fonds actifs aussi d’ailleurs). Cela permet d’améliorer un petit peu la performance. Par exemple, iShares annonce sur son site web, que la performance de son ETF suivant le MSCI World a été améliorée de 0,03 pts dans l’année grâce au prêt de titres.
Cela peut paraître bizarre pour un investisseur qui veut que son actif monte, de donner les armes à des acteurs qui espèrent une baisse de cet actif ! Cependant, sur le long terme, les vendeurs à découvert n’ont pas d’effet à la baisse sur les actions, car les actions vendues à l’avance doivent bien finir par être rachetées. Par ailleurs, quand on achète normalement une action, on l’achète bien à quelqu’un qui pense que cela va baisser (ou moins augmenter que les autres actions). Et là on se pose moins de problèmes existentiels.
Les critiques et avantages du Short Sale pour le marché
Les critiques de la vente à découvert
La vente à découvert a mauvaise presse auprès du grand public et des politiques. Et c’est d’autant plus vrai pendant les périodes de krach boursier. Jouer la baisse d’une valeur ou du marché dans son ensemble serait le pire de la finance. En effet, on accuse la vente à découvert d’être de la pure spéculation sans valeur ajoutée, de faire baisser la valeur des entreprises et de les mettre en difficulté, voire d’augmenter la volatilité des marchés.
Ces interrogations sont légitimes. Car bien que les premières ventes à découvert soient apparues dès le début du XVIIe siècle en Hollande, le mécanisme n’est pas si simple à comprendre. Comment peut-on vendre quelque chose que l’on n’a pas ?
Des prix plus justes grâce au Short Selling
Pourtant, la vente à découvert n’a pas que des mauvais côtés. Elle est même un élément assez essentiel pour avoir un bon fonctionnement du marché. En effet, quand il n’y a pas de vendeur à découvert, il n’y a que des optimistes, qui tirent les prix vers le haut. On arrive donc à des actifs surévalués. Ce n’est pas vraiment bon pour la société dans son ensemble.
La confrontation des optimistes et des pessimistes rend les prix plus équilibrés, plus justes. Et l’épargnant a à gagner que les prix soient plus justes. Des prix justes, c’est aussi une allocation du capital plus optimale, ce qui est profitable à la société.
La vente à découvert a permis de détecter de nombreuses fraudes
Aussi, bon nombre de vendeurs à découvert cherchent à découvrir les inefficiences du management des entreprises, voire des fraudes. Par exemple, les fraudes comptables d’Enron qui ont conduit à sa faillite, n’ont pas été découvertes par les auditeurs (en l’occurrence Arthur Andersen), mais elles ont été mises en lumière pour une large part par les vendeurs à découvert (James Chanos).
De plus, la vente à découvert crée de la liquidité sur le marché, ce qui facilite les échanges. Les épargnants ont à gagner d’une plus grande liquidité.
Interdire les VAD n’a pas présenté de réels bénéfices
Ces avantages pour les marchés et la société ont été bien documentés par les scientifiques. Il a même été montré (notamment dans ce papier Short-Selling Bans Around the World: Evidence from the 2007-09 Crisis) que les interdictions de la vente à découvert pendant la crise de 2008 avaient diminué l’efficience des marchés.
Nous constatons que les interdictions sur la vente à découvert (i) ont nui à la liquidité, en particulier pour les actions à faible capitalisation et sans options cotées ; (ii) ont ralenti la découverte des prix, en particulier lors des marchés baissiers, et (iii) n’a pas soutenu les prix, sauf peut-être pour les valeurs financières américaines.
D’ailleurs, le gendarme financier américain (la SEC) s’en est rendu compte et a regretté d’avoir mis en place ces mesures (voir un article de CBS sur le sujet).
De manière générale, sachez que les articles scientifiques montrant l’intérêt sociétal des short sell sont nombreux.
Des comportements à combattre … qui ne sont pas réservés à la VAD
Naturellement, comme le souligne Lasse Heje Pedersen dans son livre “Efficiently Inefficient : how smart money invests and market prices are determined”, les vendeurs à découvert peuvent avoir des comportements inadmissibles, notamment en cherchant à manipuler le marché. Mais la manipulation des marchés est bien une pratique illégale que ce soit pour les acheteurs de positions longues ou ceux en positions courtes. Par exemple, personne n’a le droit de lancer des rumeurs pour manipuler les cours, que ce soit à la hausse ou à la baisse. Ces comportements doivent bien naturellement être combattus et sanctionnés.
En tant qu’épargnant, il est possible d’utiliser la vente à découvert, cependant ce n’est pas si simple, et il existe des techniques plus accessibles pour investir en bourse.
Je vous souhaite le meilleur pour votre épargne, et pour tout le reste … et plus spécifiquement votre santé et celle de vos proches.
BOnjour,
Quand le phénomène “short queeze” se produit sur une action (personnellement je ne connaissais pas ce terme), c’est du bonheur pour celui qui mise à la hausse.
Ca m’est arrivé il y a quelques années sur l’action Peugeot, quand je faisais de l’analyse technique. J’ai acheté cette action sans savoir que Peugeot avait de grosses difficultés financières, j’ai pourtant gagné 15% et revendu au bout d’un mois.
J’ai cherché à comprendre à l’époque comment j’ai pu gagner par chance 15% sur une société avec de grosses difficulté financière, c’est parce que c’était l’action la plus jouée en VAD à ce moment-là.
Après, j’ai perdu aussi des sous en jouant sur une action biotech que tout le monde jouait à la hausse sauf quelques uns qui ont attendu le bon moment (une bonne nouvelle de la FDA autorisant la mise en place des essais cliniques) pour vendre d’un coup plusieurs millions d’actions, ça a fait dévisser le cours et j’ai soupçonné à ce moment-là un délit d’initié.
MORALITE : Je n’investis plus en direct sur les actions mais sur les ETFS !
Question à Edouard : Est-ce que d’après vous les rebonds impressionnants de 5 à 6% en pleine tourmente financière peuvent s’expliquer par le short queeze ? Car les explications apportées après coup par les journaux financiers sur ces rebonds subits ne me convainquent pas vraiment.
Rectificatif: lire “a l’inverse”…
Merci pour cet article qui explique comment peut fonctionner un produit comme Lyxor Etf Bx4 qui réplique -à l’inverse- les évolutions du CAC40 avec en plus un effet de levier.
Produit utile pour couvrir un portefeuille en ces jours de grosse fluctuation de cours des actions.
Merci pour cet article qui explique comment peut fonctionner un produit comme Lyxor Etf Bx4 qui réplique les évolutions du CAC40 avec en plus un effet de levier.
Produit utile pour couvrir un portefeuille en ces jours de grosse fluctuation de cours des actions.
Merci Edouard, pour ce super article qui démystifie déjà pas mal de choses sur le SRD et la VAD dont on entend parler un peu partout.
A notre que le PEA souvent mis à l’honneur pour ses avantages, ne permert pas l’utilisation du SRD et la VAD. Mais le CTO, lui, le permet.
C’est toujours un plaisir de vous lire, M. Petit, sous forme de blog ou de livres.
Merci.