Fonds de pension : définition et comment créer votre propre fonds de pension ?
Le sujet de la réforme des retraites est un sujet qui est constamment sur la table en France. Les retraites de l’Etat sont en déficit, et le système peut difficilement durer de la sorte. Prévues pour un ratio cotisants / retraités de 4 (ratio observé dans les années 60), les estimations actuelles sont plutôt entre 1,9 et 3 en fonction de la prise en compte des actifs “réels” et “potentiels” (en âge de travailler, mais suivant des études prolongées ou encore au chômage longue durée).
Cela pourrait laisser penser que les fonds de pension pourraient connaître un développement plus important en France. Pour autant, les fonds de pension ont plutôt mauvaise réputation dans l’hexagone. Il n’y a qu’à voir la polémique autour de BlackRock, qui aurait été l’instigateur, dans l’ombre, de la réforme des retraites. BlackRock n’est pourtant en France qu’un gestionnaire d’actif comme tant d’autres, malgré sa taille colossale à l’international.
Voyons ce qu’il en est pour un Epargnant 3.0 :
- Qu’est-ce qu’un fonds de pension ? En existe-t-il en France ?
- Peut-on investir dans un fonds de pension ?
- Peut-on par exemple s’inspirer de la politique d’investissement de ces fameux fonds de pension ?
- Comment se créer son propre fonds de pension ?
Il est dans tous les cas indispensable de bien préparer sa retraite.
Qu’est-ce qu’un fonds de pension ? Définition !
Les fonds de pension sont des structures organisées par les entreprises des secteurs privé et public au profit de leurs salariés dans le but de préparer leur retraite. Un fonds de pension est un organisme de placement collectif qui gère l’épargne salariale ou la retraite de contractants, afin de leur assurer un revenu sous la forme d’un capital ou d’une rente viagère une fois qu’ils auront atteint l’âge de la retraite. Contrairement aux retraites gérées par répartition, les fonds de pension fonctionnent par capitalisation.
En effet, dans le cas d’une retraite par répartition, comme dans le cas de la France, les cotisations apportées par les actifs sont utilisées pour payer les pensions des personnes retraitées. Cela rend donc ce système sensible notamment aux variations démographiques ainsi qu’à l’évolution du taux de chômage, en raison de leur impact sur le rapport cotisants / retraités.
Dans le cas des fonds de pension, les cotisations font l’objet d’investissements, ce qui les rend plus sensibles aux variations des marchés financiers. En tant qu’épargnants 3.0 avisés, nous savons cependant maintenant que dans le cas des investissements à long terme, ces variations ont tendance à être lissées et l’évolution des marchés plutôt haussière.
Les différents types de fonctionnement des fonds de pension
Les fonds de pensions recouvrent des réalités très différentes. Ils peuvent être, par exemple, obligatoires ou facultatifs.
Il existe deux grands types de fonds de pension différents :
- Les fonds à prestations définies (DB – Defined Benefits)
- Les fonds à cotisations définies (DC – Defined Contribution)
Les fonds à prestations définies
Les fonds à prestations définies : comme leur nom l’indique, ces fonds définissent dès la mise en place des contrats le montant des prestations qui seront versées aux retraités. Le montant de la rente est donc garanti. Pour ce faire, l’entreprise ou l’organisme public employeur calcule une valeur actualisée de cette rente et, demande à son salarié un montant équivalent ou inférieur (déduit du potentiel rendement estimé des placements financiers). Les montants des revenus lors de la retraite sont calculés en fonction du nombre d’années de service, de l’âge de la retraite et, bien entendu, du niveau de revenu.
L’entreprise ou l’organisme public organise la gestion du plan et fait les placements financiers. Elle est tenue de verser à son salarié ou adhérent le montant convenu lors de son départ à la retraite. C’est une gestion complexe qui nécessite de bien optimiser l’actif et sa performance, tout en le mettant au regard du passif (ce qui est dû aux adhérents).
L’organisme fait généralement appel à des gestionnaires et à des assurances pour limiter ce risque qu’elle prend.
Les fonds de pension à cotisations définies
Les fonds à cotisations définies : les futurs retraités ne connaissent pas le montant de prestations qu’ils recevront. Seul le montant des cotisations est fixé lors de la signature des contrats, le risque est donc, dans cette configuration, porté par le cotisant. Le montant de la rente ou du capital dépend de la somme versée par l’employeur, de la somme versée par le salarié et du rendement des placements réalisés.
Généralement, les salariés sont en mesure de choisir leur stratégie de placement, en fonction de leur tolérance au risque et de leur objectif de revenu. La gestion pour les organismes est simple, puisqu’il suffit de mettre à disposition des salariés ou adhérents des fonds, gérés par un gestionnaire d’actifs (actif ou passif).
Ces plans, que l’on appelle par exemple 401k aux Etats-Unis, ressemblent à peu à notre épargne salariale (PEE, PERCO, Article 83, PER).
Quels sont les plus grands fonds de pension dans le monde ?
L’OCDE estime les actifs des fonds de pension dans le monde à plus de 32000 milliards de dollars au 31 décembre 2019. Sans surprise, en termes de répartition géographique, ce sont les Etats-Unis qui sont le premier pays en termes d’investissements dans les fonds de pension avec près de 19000 milliards de dollars. Ils sont suivis par le Royaume Uni avec près de 3600 milliards et les Pays Bas avec 1700 milliards. Pour donner un ordre de grandeur, le CAC 40 pèse dans son ensemble à peu près 2000 milliards d’euros.
Le plus gros fonds de pension du monde est en revanche japonais. C’est le GPIF (Government Pension Investment Fund), qui gère les retraites par capitalisation de salariés du secteur public japonais. Les actifs de ce fonds s’élèvent à environ 1400 milliards en 2021, ils se situent entre le PIB de l’Espagne et celui de l’Italie à titre de comparaison. Les gains du GPIF sur l’exercice fiscal 2020-2021 se sont élevés à presque 287 milliards d’euros, pour un rendement exceptionnel de 25,15%. Ces gains succèdent à des pertes colossales sur l’exercice 2019-2020, équivalentes à près de 69 milliards d’euros. Le premier trimestre de l’année 2020 a en effet vu les marchés mondiaux connaître des performances très négatives en raison du début de la crise sanitaire liée au COVID 2019.
Le second est le GPF norvégien, qui gère des actifs de plus de 1200 milliards de dollars, c’est l’un des deux fonds souverains norvégiens.
Ce n’est qu’à la troisième place que nous retrouvons un fonds de pension américain, Federal Retirement Thrift, qui gère les retraites d’anciens salariés fédéraux américains.
Et en France, y a-t-il des fonds de pensions ?
La France ne compte quant à elle “que” deux fonds de pension.
Le FRR (Fonds de Réserve pour les Retraites)
Le Fonds de Réserve pour les Retraites gère des actifs dont le montant s’élevait à 33,7 milliards d’euros au 31/12/2019. Entre sa création en 2001 et la réforme des retraites en 2010, le FRR percevait une partie des cotisations retraites, qui était mise en réserve et capitalisée. La réforme des retraites de 2010 a entraîné une modification du fonctionnement du FRR. Ce dernier ne perçoit plus de ressources nouvelles depuis cette date et verse 2,1 milliards d’euros par an à la CADES (Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale) et procédera à d’éventuels versements à la CNAV (Caisse nationale d’Assurance Vieillesse).
Le FRR a une stratégie d’investissements diversifiée (source rapport annuel 2019), avec 52% d’actifs dits de performance (actions, obligations d’entreprises à hauts rendements, obligations des pays émergents et actifs non cotés) et 48% d’actifs dits obligataires de qualité (obligations d’Etats développés, d’entreprises dites de qualité ou encore de liquidités).
Le FRR figure également à la deuxième place (après le fonds suédois AP4) du classement mondial des fonds de pension publics établi par l’association pour l’investissement responsable ShareAction, en fonction de leur application des recommandations du groupe de travail sur l’information financière relative au changement climatique (TCFD, taskforce on climate-related financial disclosures) du Conseil de stabilité financière.
L’ERAFP (Établissement de Retraite Additionnelle pour la Fonction Publique)
L’ERAFP (Établissement de Retraite Additionnelle pour la Fonction Publique), gère des actifs dont le montant s’élève à environ 38 milliards d’euros. Ce fonds a pour mission de verser un complément de retraite aux fonctionnaires de l’Etat, des collectivités locales et des hôpitaux. Il s’agit d’un régime obligatoire. La retraite additionnelle est constituée par des cotisations prélevées sur certains éléments de rémunération (primes) et sont converties en points tous les ans. Il s’agit donc d’un système par cotisations définies qui permettra aux fonctionnaires concernés (4,5 millions d’actifs couverts) d’avoir un revenu complémentaire versé sous la forme d’une rente ou d’un capital en fonction du nombre de points obtenus.
Ce fonds se positionne comme investisseur 100% ISR (Investissement Socialement Responsable) et présente chaque année, dans son rapport annuel, son engagement en faveur des enjeux environnementaux, sociaux et de gouvernance. Signataire des Principes d’investissement responsable de l’ONU, l’ERAFP a adopté, en mars 2006, une Charte ISR (Investissement Socialement Responsable), reposant sur les cinq valeurs suivantes : État de droit et droits de l’Homme, Progrès social, Démocratie sociale, Environnement, Bonne gouvernance et transparence.
Créez votre propre fonds de pension
Utilisez le PER pour préparer votre retraite
Il existe également en France d’autres formes de systèmes d’épargne de retraite individuelle par capitalisation, comme le PER (Plan Epargne Retraite) qui est venu remplacer les anciens PERCO et PERP. Ce sont un peu des fonds de pension individuels.
Le PER permet une défiscalisation des versements. La sortie est possible en capital ou en rente. Cette sortie est fiscalisée, mais l’Etat vous a en quelque sorte prêté de l’argent (le montant défiscalisé) pour investir.
De très nombreux PER sont bien trop chers. Cependant, dans cet article sur les meilleurs PER, je liste les contrats les plus intéressants. C’est une solution qui peut être vraiment avantageuse dès lors où votre foyer à un taux marginal d’imposition supérieur à 30%.
C’est souvent quasiment indispensable pour les indépendants. Et le PER est bien meilleur que les contrats Madelin qui leur étaient réservés.
Comment investir comme un fonds de pension ?
La première caractéristique des investissements d’un fonds de pension est probablement leur horizon à long terme. 50% des investissements des fonds de pension dans le monde sont consacrés à des obligations et 25% en actions (source OCDE). On comprend également que la majorité des placements sont peu liquides. Il s’agira donc pour vous, si vous souhaitez investir comme un fonds de pension, de voir quelle part de votre propre patrimoine vous êtes prêts à consacrer à des investissements à long terme (elle sera probablement élevée puisque vous faites vraisemblablement partie de la communauté des épargnants 3.0) qui seront a priori bloqués pour une longue durée.
Prenons l’exemple du célèbre fonds de pension Californien Calpers (California Public Employees’ Retirement System). Ce fonds gère la retraite de 2 millions de Californiens et pèse 400 milliards de dollars. Il s’agit d’un fonds de pension à prestations définies.
L’allocation de Calpers est la suivante :
- Actions pondérées en fonction de la capitalisation boursière : 37,6%
- Actions en investissement factoriel (aussi appelé smart beta) : 15%
- Private Equity : 6,3%
- Actifs réels : 11%
- Obligations : 28%
Dans la formation Epargnant 3.0, j’explique clairement comment créer une allocation d’actifs qui corresponde à votre profil, vos envies, vos projets et votre horizon d’investissement.
Conclusion sur les fonds de pension
Le débat sur les retraites fait rage. Certains opposent le choix français de la retraite par répartition avec les choix plus anglo-saxons de la retraite par capitalisation et des fonds de pension.
Cependant, je pense qu’il ne faut pas tomber dans les extrêmes. Oui, le système par répartition a des inconvénients et le montant des retraites va baisser (la durée de travail va augmenter, les cotisations, etc.). Cependant, je ne pense pas que le système va s’écrouler. Il faut tout de même s’attendre à un taux de remplacement (pourcentage du dernier salaire) inférieur à 50% pour bon nombre d’entre nous.
Il est important de se préparer à la retraite, que l’on soit employé ou indépendant (médecin, artisan, etc.). La bonne méthode est probablement d’apprendre à investir en Bourse et développer votre patrimoine. Cela revient à se créer, en quelque sorte un fonds de pension personnel. D’ailleurs, l’Etat favorise cette forme de retraite par capitalisation, en faisant de défiscalisation sur le Plan d’Epargne Retraite.
Il est possible de compléter par l’immobilier si vous avez l’énergie et l’envie.
Je vous souhaite le meilleur pour votre épargne et surtout pour tout le reste.
Excellent article comme d’ habitude.
Je suis convaincu qu’ il faudra changer ou compléter le système actuel qui ne tient plus la route: le retraite baissent avec le temps et ça ne risque pas de s’ arranger. Pour ma part, je fais partie de ces milliers de français qui se sont lancés pendant le COVID dans la bourse (actions, cryptos, ETF). J’ avoue que j’ ai été surpris par les bons résultats, mais je me doute que le vent peut tourner, et cet article apporte un nouvel éclairage.
1000 mercis et compliments.
Fernand
Bonjour Edouard,
Merci pour ce nouvel article.
J’ai lu ton article (et d’autres aussi) sur le PER. De mon point de vue, si on décide vraiment de se fixer un objectif retraite et qu’on s’y tient (Ex: portefeulle actions diversifié en ETF, avec DCA mensuel programmé), alors je trouve l’avantage du PER très léger (allègement fiscal possible à la sortie) face à cette énorme contrainte d’être une “épargne tunnel”.
En effet, si dans 10 ou 15 ans, on se rend compte que les supports proposés par notre PER sont devenus peu performants ou inadaptés, l’épargne est bloquée dans notre PER (même si celui-ci reste transferable vers un autre assureur).
Pour cette raison, je préfère implémenter cet objectif via PEA et/ou assurance vie(s) bien choisis, et être libre de réallouer ces sommes dans le futur, si besoin est.
Des lecteurs ont-ils un avis là-dessus ?
Merci.
Tout d’abord, merci Edouard pour cet article comme à l’accoutumée bien documenté et fort intéressant.
Ensuite, David, effectivement, comme profession libérale, après avoir ‘muté’ mon Madelin en PERin pour la liberté des versements (contraints avec le Madelin), j’ai pas mal réfléchi à l’intérêt du PER vs AV classique.
Il ne faut bien sûr pas s’arrêter l’avantage fiscal de l’entrée.
Sans entrer dans les détails, même si l’avantage peut être conséquent, soit avec le cumul des années non utilisées voire le cumul de la déduction du conjoint, le capital reste bloqué, et même si peu probable, où en sera la réglementation fiscale du PER dans 10/20/30 ans ? l’avantage sera-t-il toujours le même ?
Alors oui, comme le dit Edouard, le fisc nous ‘prête’ l’équivalent de l’avantage fiscal à investir, mais à la sortie, une bonne partie est récupérée, soit sur la rente, soit sur le capital, y compris pour un 1er achat de RP.
La seule option de sortie non fiscalisée est l’accident de la vie : chômage, Invalidité, décès du conjoint, mais c’est là un pari un peu glauque sur l’avenir…
Reste – selon moi- peut-être un avantage : utiliser un versement PER d’enfant mineur déductible pour nous, pour ‘bloquer’ tout ou partie d’une donation pour l’achat d’une future RP, et en espérant qu’il n’achète pas trop tard avec une TMI faible, et que cet avantage soit maintenu dans x années, beaucoup d’incertitudes, il y a clairement mieux à faire…
Bref, vous voyez, je pense un peu comme vous, je préfère la non déductibilité immédiate des versements dans mes AV, mais la liberté d’arbitrages actuels et futurs sans le blocage de mes versements.
Gregoire
Bonjour,
Il faut rappeler que l’investissement annuel dans le PER est plafonné, l’investissement est au maximum de 10% du revenu annuel. Pour peu que l’on a déjà un capital, ce n’est pas énorme. Certes, on peut être tenté de porter ce pourcentage à 20% les 3 premières années, afin de récupérer les années non cotisées, tout en prenant soin de maintenir son TMI au dessus de 30%.
Ensuite, il faut comparer au tableur le PER et le PEA, les résultats des calculs sont parfois contre-intuitifs. Selon mes calculs, en prenant une progression moyenne du MSCI World de 9,84%/an (c’est ce qu’il fait entre 1970 et 2020), des frais du PER de 0,5%/an, et un TMI constant de 30% (activité et retraite, cette tranche demeure assez constante depuis plus de 15 ans), l’avantage du PER par rapport au PEA est maximal entre 20 et 22 ans de détention du PER : c’est 6,5%.
Là aussi, un avantage maximal entre 20 et 22 ans peut surprendre, mais c’est lié aux frais annuels de 0,5% du PER, absents sur le PEA. C’est l’effet des intérêts composés. Mais passons : si le PER atteint 300k€ au bout de 20 ans, l’avantage est de 20k€ par rapport au PEA.
De plus, si à la retraite le TMI passe à 11%, c’est le jackpot : l’avantage du PER vs PEA tourne autour de 20%, soit 60k€ avec un PER de 300k€. Et dans ce cas, on fera en sorte que la “liquidation fractionnée en capital” ne fasse pas passer le TMI à la tranche supérieure.
Un grand merci Édouard pour cet article très intéressant.
Il arrive à point nommé sur mes réflexions personnelles.
Mon PER est actuellement uniquement en ETF et les belles plus values des 18 derniers mois m’incitent à la prudence.
Croyez-vous que les Fonds Souverains (Norvège ou autres) soient des modèles pour nous ? Cordialement François Thénoz
Bonjour, concernant les fonds souverains, il me semble qu’Edouard donne la réponse dans cet article : https://www.epargnant30.fr/fonds-souverains/ : je pense que cela dépend de votre profil de risque, ou niveau d’agressivité en tant qu’investisseur. Le fonds norvégien a une performance de 6,1%/an depuis 1988, à comparer avec celle du MSCI World sur la période, 8,3%/an.